Santé Canada vient de rendre publique une étude qui a porté sur 5 600 volontaires entre 2007 et 2009. Celle-ci révèle que neuf Canadiens sur dix sont imprégnés en bisphénol A (BPA). Ces résultats confirment les études menées aux Etats Unis, à savoir que la contamination humaine est générale.
Les conclusions qu’en tire Santé Canada sont cependant inacceptables.
Comment peut-on affirmer que " l’exposition actuelle au BPA provenant des matériaux d’emballage des aliments ne pose pas de risque pour la santé de la population en général, y compris pour la santé des nouveaux-nés et des nourrissons", alors que cette contamination correspond au niveau d’imprégnation qui induit des effets sanitaires très larges chez l’animal de laboratoire lorsque celui-ci est exposé pendant la gestation ?
Pour justifier son point de vue, Santé Canada continue de juger le risque par rapport à sa propre norme, la Dose Journalière Admissible (DJA) à 25 µg/kg/j (microgrammes par kilo et par jour). C’est aussi la position de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA), reprise en France par l’AFSSA, qui maintiennent une DJA de 50 µg/kg/j.
Ces DJA ne tiennent pas compte des dizaines d’études qui montrent des effets sur les descendants après exposition des femelles gestantes, chez la souris, le rat et le singe, à des doses très inférieures à la DJA : transformation prénéoplasique des cellules de la glande mammaire à 0,023 µg/kg/j ; baisse de la production de sperme et de la fertilité à 0,2 µg/kg/j ; hyperinsulinémie à 1 µg/kg/j ; effets sur la reproduction sur plusieurs générations à 1,2 µg/kg/j ; troubles du comportement à 2 µg/kg/j...
Toutes ces études devraient conduire, en appliquant les règles habituelles en évaluation des risques, à des DJA plus basses d’un facteur 10 000 à 1 000 000, ce qui revient à l’interdiction du BPA dans les contenants alimentaires, puisque la contamination de l’alimentation maternelle est la principale source de contamination du fœtus.
Les études sur lesquelles reposent les DJA actuelles sont issues de la seule industrie chimique et sont basées sur un protocole utilisant des fortes doses ce qui revient à écarter les études menées en milieu académique, soit 95% des études, qui ont été menées avec des faibles doses.
La question que pose le BPA est bien celle du changement de référentiel pour les Perturbateurs Endocriniens, car pour cette catégorie de substances les effets peuvent être plus forts à faible dose qu’à forte dose.
Cette question fera l’objet d’un colloque à l’Assemblée Nationale le 14 septembre à sur le thème : « Perturbateurs Endocriniens. Changement de paradigme dans l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux ».