Le mouvement des gilets jaunes a révélé combien une partie de la population se sent abandonnée, paupérisée et pressurée. Il réclame notamment une amélioration immédiate de son pouvoir d’achat, et l’abandon de toute hausse des prix des carburants.
Nous, économistes citoyens, considérons que leur revendication de parvenir à mieux vivre est légitime, tout comme est urgent et vital le chantier de la transition écologique : notre planète va mal et, faute de temps, nous ne pouvons pas différer les décisions pour freiner et, si possible, arrêter cette dégradation.
Nous sommes persuadés qu’une solution de conciliation entre ces deux exigences – sociale et environnementale – est possible avec effet immédiat. Comment ? En réaffectant dans le projet de Loi de Finances pour 2019 une partie des avantages dont vont bénéficier les entreprises – 40 milliards – au bénéfice des ménages les plus modestes que la hausse des prix de l’énergie fossile met à mal. En effet, le « crédit d’impôt emploi-compétitivité » (CICE) – égal à 6 % du montant des salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic versés par les entreprises en 2018 – sera versé pour la dernière fois en 2019, pour un montant de l’ordre de 20 milliards. Il sera remplacé la même année par une baisse des cotisations sociales patronales du même montant. Si bien que, en 2019, les entreprises recevront deux fois le CICE ou son équivalent : 40 milliards, du jamais vu !
Nous demandons solennellement à la représentation du peuple d’annuler l’une des dispositions pour l’affecter à l’amélioration du pouvoir d’achat des couches sociales les plus modestes. Certains mettent en avant une hausse du Smic, ce qui peut se comprendre car ce dernier a vu son pouvoir d’achat décrocher depuis trois ans par rapport au Pib par habitant. Mais tous les gilets jaunes ne sont pas salariés, et une amélioration immédiate de plus grande portée devrait passer par une hausse des prestations sociales. D’abord par le biais de la prime d’activité, versée aux personnes en activité percevant un faible revenu, de sorte qu’aucun travailleur à temps plein ne gagne moins de 1500 € par mois (au lieu des 1300 € actuels pour un Smic à temps plein complété par la prime d’activité). Ce montant est celui que l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, organisme public, a estimé nécessaire pour qu’une personne seule puisse mener une vie sociale. En second lieu, l’exemption de hausse de CSG pour les retraités pourrait être portée de 1200 à 1500 €. Le solde devrait être affecté à une revalorisation des minima sociaux, à des incitations à l’embauche de jeunes et à la rénovation des réseaux de transport en commun, et ceci sans que les entreprises bénéficiaires du CICE soient pénalisées par rapport aux années précédentes.
Mettons à profit cette « fenêtre de tir » unique, afin de lever la contradiction entre l’impérative transition écologique et les conditions de vie du tiers le plus modeste de la population. Ne laissons pas passer cette chance pour la société tout entière, et pas seulement pour les gilets jaunes.
Premiers signataires :
Hugues Sibille, Bernard Perret, Guy Roustang, Marc Humbert, Jean Gadrey, Jérôme Vignon, Christophe Fourel, Guillaume Duval, Philippe Frémeaux, André Tessier du Cros Alain Caillé, Jean-Philippe Domecq
N’oublions pas les outils de développement local comme le diagnostic territorial participatif pour redonner du sens à l’économie en la reliant aux autres secteurs