Au moment où la vérité des faits est en danger, où le monde a plus que jamais besoin de médias et de journalistes indépendants, nous apprenons que l’École des métiers de l’information (ÉMI) est menacée de disparaître.
Créée en 1982, l’ÉMI tient une place particulière dans la formation continue des professionnels des médias. En plus de 40 ans d’existence, elle a accompagné la reconversion et la montée en compétences de plusieurs générations de journalistes qui exercent aujourd’hui dans toutes les rédactions de France.
Au printemps 2024, la Région Ile-de-France lui a porté un coup sévère en arrêtant brutalement de financer les formations aux métiers du journalisme. L’École a dû être placée en redressement judiciaire et, malgré un projet économique rentable, elle doit trouver d’urgence, avant le 7 avril, un repreneur pour poursuivre sa mission d’intérêt général.
Le moment est critique. Après avoir mis la main sur des chaînes de télévision, médias radio, journaux papier et internet, des milliardaires animés par un projet politique et culturel conservateur voire réactionnaire investissent maintenant dans les écoles de journalistes pour mieux contrôler à la source la fabrique de l’information.
Depuis 2018, l’Institut libre de journalisme (ILDJ), dont la proximité avec l’extrême-droite est largement documentée, propose de former chaque année une cinquantaine de journalistes « non conformistes ». Et en novembre dernier, un consortium de grands patrons de presse et capitaines d’industrie rachetait l’ESJ Paris, suscitant de vives inquiétudes dans la profession : une école entre de telles mains est-elle de nature à former des journalistes véritablement indépendants ?
L’information est un bien public, et elle doit le rester. Les médias, les journalistes, les écoles et les centres de formation de journalistes ne sauraient subir aucune pression, aucune injonction, aucune forme d’influence idéologique, qu’elle soit de gauche ou de droite, et encore moins d’extrême-droite. La charte de déontologie de Munich de 1970 est claire : « Le métier de journaliste ne doit jamais être confondu avec celui du publicitaire ou du propagandiste ».
L’ÉMI défend depuis toujours une vision exigeante du journalisme, empreinte de principes éthiques, de déontologie, d’indépendance et d’esprit critique. Nous ne pouvons nous résoudre à perdre cet acteur libre et indépendant. Une école reconnue et appréciée pour la qualité de ses formations, qui a travaillé avec la plupart des groupes de presse, médias indépendants et acteurs du secteur. Une école faite pour et par des professionnels des médias, qui maîtrisent parfaitement les rouages, les contraintes et les exigences des différents métiers de l’information. Une école qui, enfin, délivre des titres certifiants reconnus par l’État.
Nous, responsables de médias ou de rédactions, journalistes, professionnels de la presse, de la formation professionnelle et de l’économie sociale et solidaire, attachés au pluralisme des médias comme des organismes de formation, nous appelons les investisseurs, responsables et progressistes, à soutenir cette école, à l’accompagner dans un projet de relance ambitieux et ainsi à défendre l’indépendance des médias.