Le Parlement vient de commencer l’examen de la loi de modernisation de l’économie (LME). Plusieurs mesures du projet de loi concernent les associations, directement ou plus indirectement.
La mesure n°14 (article 20) vise ainsi « le développement de l’économie solidaire et le micro crédit », elle a été notamment élaborée en consultant les organisations expertes sur le sujet, Finansol ou encore l’Ides. Ainsi, le relèvement du plafond de rémunération des « titres associatifs » va dans le sens des mesures préconisées dans le cadre de la préparation de la conférence nationale de la vie associative en 2005-2006.
La mesure 27 (article 37) est plus surprenante. Elle vise la création d’un « fonds de dotation global », inspiré d’un outil américain « l’endowment fund », un modèle déjà ancien de philanthropie notamment pour le secteur universitaire ou de la recherche médicale. Le gouvernement a voulu répondre notamment à la demande d’étrangers qui dans le domaine de la culture (le « Louvres » d’Abou Dabhi) souhaitaient un outil souple de droit privé pour diriger leurs investissements philanthropiques. Sur le modèle de l’association loi 1901, la création d’un tel fonds est très simple, Bercy ne souhaitant pas créer des contrôles ex ante sur l’origine des fonds mais plutôt ex post sur l’activité du fonds (commissariat aux comptes, publicité des comptes, contrôle Cour des comptes etc.). Le projet initial prévoyait également que le fonds puisse faire appel à la générosité du public, ce qui paraît contraire à son objectif qui est de constituer un capital à titre irrévocable et de financer des missions d’intérêt général avec les produits des placements... Le subventionnement public est exclu sauf circonstances exceptionnelles. Cet outil s’annonce clairement comme une promotion du modèle philanthropique anglo-saxon et du recours au financement privé de l’intérêt général.
Depuis plusieurs années maintenant des lois sont votées en ce sens (mécénat, fondations, ISF) avec parfois une référence explicite au modèle américain « première puissance philanthropique au monde » qui, en proportion, produit 10 fois plus de financement privé que la France (30 milliards d’euros contre 3 milliards approximativement). Dans un aticle récent, Pierre Buhler s’interroge sur les raisons de cet écart à partir d’une analyse précise de données américaines. Il montre comment l’économie du don est structurante pour tout le secteur non lucratif alors qu’elle est presque marginale en France du fait d’une méfiance historique pour les initiatives d’intérêt général portées par les acteurs de la société civile. Les nouvelles dispositions des récentes lois n’étant pas encore évaluées, il fait le constat d’une faiblesse qui « entretient le »tiers secteur« dans une dépendance structurelle vis-à-vis des subsides publics ». L’approche comparative trouve ici ses limites dès lors que l’auteur confond l’usage para-administratif des associations et généralise son analyse à l’ensemble des financements publics des associations.
Force est de constater que la tendance est explicitement au développement du « modèle philanthropique américain » en France. Est-ce à dire que cette « greffe » prendra et qu’elle entend se substituer peu à peu aux financements publics des activités associatives ? « On n’en est pas là » nous rassurera un haut fonctionnaire à qui l’on posait la question. En effet l’aggiornamento que certains appellent de leurs voeux sur le financement des associations a déjà eu lieu avec la profonde réforme du système de subvention inscrit dans un régime conventionnel, évalué sur objectifs et soumis aux critères de performances de l’action publique. La vraie (et bonne) question est celle de l’articulation du partenariat public-privé dans le financement des missions d’intérêt général des associations. La diversification des ressources est en effet une nécessité à laquelle la philanthropie ne pourra complètement répondre, c’est pourquoi il nous faut nous saisir de cette problématique pour inventer un modèle français et européen de la philanthropie qui responsabilise évidemment plus les entreprises et les personnes sur le financement de causes d’intérêt général mais sans pour autant déresponsabiliser l’Etat. Cette question est un programme que nous appelons de nos voeux pour la future conférence nationale de la vie associative.