Quelle place attribuezvous
à l’économie sociale
et solidaire (ESS) pour faire
face aux défis auxquels est
aujourd’hui confronté notre
pays ?
La relance de la production
et la croissance sont deux
conditions indispensables
à la création de nouveaux
emplois. Notre compétitivité devra concilier, en
cohérence, les efficacités économiques, sociales et
environnementales ; l’économie sociale et solidaire
(ESS) a démontré qu’elle répondait avec efficacité
à cet objectif, en s’inscrivant totalement dans
l’économie tout en portant des valeurs humanistes.
Elle a d’ailleurs mieux résisté à la crise, forte de son
modèle qui offre moins de prises aux exigences et à la
volatilité des marchés financiers.
Car il est plus que temps de redonner à l’humain toute
sa place dans notre économie ; nous savons que le
marché ne peut pas tout, que le capital ne peut pas
être le seul moteur de l’économie : la dérégulation
internationale et le libéralisme exacerbé ont montré
leurs limites.
Dans la construction de la compétitivité, le social a
sa place, l’humain a sa place. Le premier capital
de l’entreprise est humain ; c’est un facteur de
production, non une charge. Et la démarche mutualiste,
coopérative, associative constitue une vraie réponse :
regardez combien de projets individuels réussissent
parce qu’ils s’inscrivent dans un collectif ?
L’ESS contribue à réinscrire l’entreprise dans notre
pacte démocratique, en prônant la solidarité, en
assurant un partage plus équilibré des revenus et des
pouvoirs, mais aussi la transparence, notamment en
termes de rémunération du travail.
En tant que Président du Sénat, quel lien faites vous
entre l’ESS et les territoires ?
Je suis convaincu que le renforcement de notre potentiel
productif repose sur des dynamiques territoriales,
avec une forte implication des collectivités. Les entreprises
de l’ESS détiennent une place stratégique pour
développer l’emploi sur l’ensemble du territoire car
elles ont un ancrage territorial fort. Elles sont pionnières
en matière d’économie durable et d’économie
de proximité. Elles permettent de relocaliser certaines
activités.
Je considère que le territoire doit servir de base à
la mutualisation des stratégies, qu’il doit être le
lieu de rassemblement d’énergies issues autant des
entreprises que des associations ou des collectivités,
à l’image de ce qu’ont initié les Sociétés coopératives
d’intérêt collectif (SCIC), créées en 2001, à l’initiative
du gouvernement de gauche de l’époque. Il s’agit de
se réunir autour d’un projet commun, qui peut aller
de l’organisation de services de santé de proximité
à l’insertion professionnelle ou à l’aménagement
écologique des territoires.
Quels sont, selon vous les chantiers prioritaires et
relevant du travail parlementaire permettant de
mieux inscrire l’ESS dans le paysage économique et
social ?
François Hollande a annoncé son intention de faire
voter une loi de programmation de l’économie sociale
et solidaire pour accompagner de manière durable le
développement de l’ESS en réelle concertation avec
les acteurs du secteur.
Cette loi devra notamment assurer la représentativité
patronale de l’économie sociale et solidaire, réserver
une part de l’accès aux marchés publics locaux aux
entreprises de l’ESS et élargir le financement de
l’innovation à l’innovation sociale. Enfin, pour résister
aux délocalisations induites par de pures logiques
financières, il nous faut faciliter la transmission ou
la reprise d’entreprises par les salariés, en instituant
un droit de préférence de rachat, à égalité d’offre,
au bénéfice des salariés. Les SCOP ont largement
démontré leur capacité à s’inscrire pleinement dans
l’économie de production.
Pour réfléchir à ces orientations stratégiques, un groupe
de travail intercommissions sur l’économie sociale et a
été créé au Sénat en mars. Il devrait rendre son rapport
prochainement.