Les chiffres sont connus : le cout annuel du chômage est estimé entre 75 et 110 milliards d’euros par an, soit 15 à 22000 € par demandeur d’emploi. Un formidable gâchis humain et économique. En attente de reprise économique et de créations nettes d’emploi, comment enrayer cette désutilité et cette évaporation de valeurs ? Chacun connait la discrimination systémique que subit un demandeur d’emploi, le syndrome du « trou dans le CV ». Chômeur égal responsable de son état, égal suspect d’incompétence voire d’assistanat. En quelques mois de chômage, 14 en moyenne, le capital social et professionnel est dissout par les aprioris ancrés dans l’imaginaire collectif auquel nous participons tous implicitement, citoyens, recruteurs et politiques. Car cette discrimination n’est curieusement pas reconnue par la loi.
Au carrefour de l’économie positive et de la RSE, il faut relier ce constat avec les principes de l’économie circulaire. Puisque nous sommes capables de penser une économie et des comportements citoyens d’achats responsables, de circuits courts, d’économie d’énergies et de matières ou de finance responsable, nous devons au même titre considérer la compétence et le capital humain comme une ressource. Cette ressource qu’il faut protéger, valoriser et réutiliser au mieux des intérêts collectifs est couteuse en éducation, en formation et en actualisation et sa dégradation ajoute un cout supplémentaire, celui du chômage. Il faut donc imaginer un circuit court du réemploi des compétences, c’est à dire qui réduit le temps nécessaire à ce réemploi en considérant que c’est ce temps (le chômage) qui produit de la désutilité, de la perte d’employabilité et des dépenses sociales. L’entreprise est en première ligne pour mettre en œuvre ce changement. Engagée en RSE, elle a appris à sélectionner un fournisseur d’énergie verte, des achats responsables ou une banque socialement engagée. Elle a aussi généralement intégré l’importance et les avantages liée aux politiques de diversité. Elle saura donc, à compétences équivalentes, prioriser l’embauche d’un demandeur d’emploi et réduire « l’emprunte chômage » en addition des politiques publiques déjà engagées (parité, seniors, alternance, handicap, insertion par l’activité économique). Cela suppose, comme pour tout acte d’engagement citoyen, de réfléchir aux bénéfices produits en interne et en externe par son changement de pratique (quand nous choisissons de nous fournir dans une AMAP ou chez un recycleur) et aux moyens de mettre ce changement en pratique, dans ce cas ses pratiques de recrutement et d’intégration de nouveaux collaborateurs.
A l’échelle locale et nationale, les effets peuvent être spectaculaires. Les simulations montrent qu’à flux d’emplois égal, si l’embauche de chômeurs augmentait de 10 % et que leur durée d’inactivité diminuait de moitié, l’économie publique atteindrait entre 2 et 3 milliards d’euros par an. L’engagement de chaque entreprise, chiffrable et valorisable à hauteur de 22000 euros par embauche dans les chartes RSE, participerait du dialogue social interne et territorial. La stabilité revendiquée des ex-chômeurs réduirait les 36 % de CDI rompus pendant la première année et donc le cout de recrutements réitérés. Autant de charges improductives qui seront réaffectées dans une économie sociale positive à forte valeur ajoutée.
Pour s’engager dans cette démarche individuellement ou collectivement, en tant que citoyen ou que membre d’un collectif professionnel, il y a des pistes simples.
La première est l’autodiagnostic. Quelle est ma position, ma croyance, sur la discrimination liée au chômage ? Est-ce que je la combats, est ce que je l’ignore, est ce que j’y contribue même implicitement ? Par exemple si je suis recruteur ou entrepreneur, quels sont les résultats objectifs des embauches réalisées ces deux dernières années ?
La deuxième est la communication. Si je suis convaincu que ce message est cohérent avec les sujets d’économie positive et de lutte contre les discriminations, je peux participer à la diffusion et au changement des consciences. En parler autour de soi et dans son entreprise, questionner les pratiques, et contribuer à la large diffusion des chroniques « Nous sommes tous des légumes moches ! » et participer à ce débat constructif.
Le troisième est l’action. Chaque entreprise, chaque partie prenante peut aisément s’emparer du sujet et l’intégrer dans une charte RSE, en addition des mesures déjà engagées. Les outils alternatifs de sourcing de candidat(e)s, de recrutement et d’intégration sont à la portée de tous. De même pour les outils de mesure des progrès. Pour ma part, je travaille à la création d’une entreprise à objet social, dont les missions seront de diffuser le message « Nous sommes tous des légumes moches ! » au niveau national et international, d’accompagner les parties prenantes dans les actions à engager pour intégrer cette culture dans les chartes RSE, et enfin de rendre visible la somme des engagements et des résultats pour réduire le chômage et son cortège de maux associés.
A bientôt !
Merlin Voiforte
Voir aussi
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et l’édito sur
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