Dans ses mémoires publiés en 2010, Si ça vous amuse. Chronique de mes faits et méfaits (J’ai lu, réédition, 2014), Michel Rocard raconte avoir donné « comme ministre […] un puissant coup d’accélérateur à l’économie sociale ».
Il n’est pas rare que de tels récits soient autant des reconstructions de la réalité historique que des justifications des décisions prises. Rien de tout cela avec Michel Rocard. Il y apporte un témoignage précis et éclairant sur la décennie 1974-1983 qui l’a conduit de l’utopie autogestionnaire à l’institutionnalisation de l’économie sociale.
Revitalisation de la société civile
Tout commence en 1974 quand Michel Rocard quitte le PSU pour rejoindre le Parti socialiste, dont il devient secrétaire national en charge du secteur public. L’année suivante il y organise une convention nationale qui adopte les « Quinze thèses sur l’autogestion », où se dessine une « révolution culturelle » de la gauche étatiste. L’autogestion fonctionne cependant surtout comme un discours proposant un référentiel à la gauche non communiste, que seules quelques luttes exemplaires (comme celle des Lip, à Besançon) viennent concrétiser.