« L’économie sociale et solidaire n’existe pas. » D’aucuns dénoncent une forme de privatisation qui consiste à transférer la solidarité de l’État social vers les initiatives socio-économiques. En pointant à raison une contradiction possible, ils laissent entendre que l’économie sociale et solidaire n’est qu’un concept. Elle est pourtant une réalité sociale, dont les racines plongent au cœur du XIXe siècle.
Le mot connaît certes une éclipse à partir des années 1930, à la fois en raison de la différenciation statutaire de ses organisations, séparées entre coopératives, mutuelles et associations, et de l’essor de l’État social. Mais l’économie sociale et solidaire réapparaît à partir de 1968 à la faveur d’une réarticulation des rapports entre l’État, le marché et la société civile.
Timothée Duverger nous entraîne sur les chemins de cette résurgence qui croisent la grande histoire, de Mai 68 à la crise du capitalisme de 2008, en passant par l’effondrement du bloc communiste au tournant des années 1990. Ce faisant, il exploite la capacité critique et émancipatrice de l’histoire. En déplaçant la focale sur les brèches, il fait de l’histoire l’exploratrice des potentialités alternatives, souvent inabouties mais toujours sources d’imagination, que recèle la démocratie.
L’économie sociale et solidaire, qui a la double qualité de générer à la fois des activités économiques et des groupements de personnes, n’est-elle pas le laboratoire démocratique où s’expérimente le ré-encastrement du marché dans la société ?
Docteur en histoire contemporaine spécialiste des alternatives, chargé de cours à l’IEP de Bordeaux, Timothée Duverger est l’auteur de 3 ouvrages : La décroissance, une idée pour demain (Sang de la Terre, 2011), Le Parti socialiste et l’écologie (Fondation Jean Jaurès, 2011) et La modernité relationnelle (Ère, 2013).