Paru dans "L’Humanité" du 4 avril 2014, avec d’autres tribunes des animateurs du séminaire "Appropriation sociale, coopératives et bien commun".
Le texte original :
Nous nous sommes réjouis de voir l’économie sociale et solidaire, avec un projet de loi en débat et vingt-un mois d’un ministère dédié, acquérir une telle visibilité dans la société.
Mais au fond, cette agitation éphémère aura servi sur un plateau le secteur aux tenants de l’entrepreneuriat social, qui prônent une économie au service du social business et du green washing. La meilleure illustration en est le soutien à des initiatives solidaires de la part de fondations du CAC40, en premier lieu celles de Total et de BNP-Paribas. Massacrant la planète dans les pays du Sud et asphyxiant financièrement les populations des quartiers populaires, ils se rachètent une conduite en finançant ça et là des initiatives dites « citoyennes ». Il est temps de refuser de tels arrosages, car l’argent des multinationales a bien l’odeur du sang et de la sueur des peuples. Que penser de la campagne du groupe Unilever pour ses « plantations durables et coopératives » au Kenya, alors que ses dirigeants tuent l’emploi des salariés de Fralib à Gémenos ?
Le projet de loi préparé par Benoît Hamon ne prévoit rien pour combattre de telles pratiques. Pire, il les encourage en élargissant le périmètre de l’économie sociale et solidaire à tous ceux qui feront preuve de bonne volonté, affirmant la vocation « solidaire » de leur projet... Constatant « depuis quelques années un véritable engouement de la part de jeunes créateurs d’entreprise pour un modèle dont l’objectif principal n’est pas l’accumulation de bénéfices... », notre ex-ministre-délégué en déduit que ce qui n’est « pas possible d’inscrire dans la loi, dès lors qu’il s’agit d’une SA ou d’une SARL, c’est la gouvernance démocratique. » La messe est dite : la démocratie interne, pilier central de l’économie sociale vole en éclat.