Le monde de la formation des demandeurs d’emploi connaît depuis les années 2000 une série de réformes, dont la plus emblématique concerne la refonte du compte personnel de formation (CPF) avec la loi du 5 septembre 2018. Comment ces évolutions ont-elles affecté les organismes de formation et leur offre ? Ce nouveau Céreq Bref montre que ce monde, décrit jusque-là comme plutôt homogène, est en réalité pluriel, constitué de plusieurs « mondes » aux logiques propres. Deux d’entre eux se distinguent : celui de la formation « agile » et celui de la formation « marchande ».
Le monde de la formation « agile » : la mise en mouvement des organismes, des formations et des formés
- Dans ce monde, la formation doit susciter la mise en activité ou le développement des compétences et vise « l’employabilité ».
- L’agilité des formés se concrétise par la construction d’un « parcours » juxtaposant projets, activités (bénévoles ou non) et formations.
- Les organismes de formation de ce monde sont ceux qui diversifient le plus leur offre, s’adressent au public le plus large et savent moduler les formations en fonction du public.
- Ces organismes « agiles » se financent généralement en répondant aux appels d’offres publics dans le cadre des Pactes régionaux d’investissement dans les compétences. Afin de s’adapter au mieux à la demande, ils peuvent animer un réseau d’organismes - chacun ayant leur territoire ou spécialité.
Le monde de la formation « marchande » : le formé, un consommateur comme un autre
- Le compte personnel de formation (CPF) au centre de ce monde « marchand » substitue à la relation tripartite (financeur, organisme de formation, formé) une relation désintermédiée entre l’organisme et le formé, souvent désigné client.
- Le CPF vient renforcer la place de ce monde dans la formation des demandeurs d’emploi jusqu’à présent réduite aux seules aides à la formation individuelle (AIF) de Pôle emploi ou des régions.
- Dans ce monde, la formation est un bien comme un autre. Elle doit être rentable et les organismes de formation sont essentiellement à but lucratif. En conséquence, les publics les plus éloignés de l’emploi peuvent en être écartés.
- Dans ce cadre, les formations à destination des demandeurs d’emploi privilégient les domaines des langues, de la bureautique ou de la sécurité qui nécessitent peu d’investissements.
Entre ces deux mondes : une complémentarité à questionner
- Dans chacun des deux mondes, les contenus de formation tout comme la manière de former ne sont pas les mêmes.
- Standardisées et plutôt courtes, les formations du monde marchand ne visent pas toujours une qualification. Sont-elles alors de nature à sécuriser les parcours ?
- Plus variées, modulables et favorisant l’innovation pédagogique, les formations du monde agile ciblent la construction d’un parcours vers la certification et l’emploi. Toutefois la mise en œuvre des parcours continués ou celle des AFEST (actions de formation en situation de travail) y rencontrent des difficultés certaines.
Les financements collectifs (sous la forme des marchés publics) ou individuels (notamment par le CPF) segmentent l’espace de la formation des demandeurs d’emploi en deux mondes : celui de la formation « agile » et celui de la formation « marchande ». Les politiques publiques conduites depuis les années 2000 confortent ce nouveau paysage. Si une certaine complémentarité prévaut aujourd’hui, les auteurs interrogent la pérennité d’un tel modèle suspendu au maintien des financements publics.
Les mondes pluriels de la formation des demandeurs d’emploi
Josiane Padeu, Patrick Veneau
Céreq Bref n° 440, 2023, 4p.