Le mouvement mutualiste plonge ses racines dans la rudesse de l’histoire sociale du XIXe siècle. Face à la misère de masse et à l’incurie des gouvernements, les citoyens s’associent pour créer les premiers organismes de solidarité. Mais, au début du XXIe siècle, les réformes européennes menacent un modèle mutualiste pourtant efficace.
Dans une France régie par la loi Le Chapelier (1), loi « terrible », pour reprendre le mot de Jean Jaurès, la naissance de la mutualité exprime un besoin de solidarité, de fraternité et d’égalité. A l’époque où le libéralisme de Thermidor (2) et de Bonaparte triomphe, des hommes et des femmes cherchent collectivement à faire face aux nécessités quotidiennes par la mise en commun du peu d’excédent dont ils disposent. Le Sou du linceul, une des premières sociétés de secours mutuel connues, vise ainsi à ce que les morts ne soient pas jetés sans suaire à la fosse commune (3). « Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre ! » chantait-on au XIXe siècle (4).
La mutualité est issue de cet engagement civique, rusant avec l’interdiction des coalitions, s’appuyant parfois sur des notables charitables et des philanthropes. Ses pionniers sauront, sous l’influence des idées fédéralistes de Proudhon qui prône l’association d’entités autonomes, opérer les premiers regroupements qui donneront force au mouvement mutualiste. Celui-ci devient vite considérable, avec plus de trois millions d’adhérents dès la fin du XIXe siècle.