l y a dix-sept ans, lors de la publication du
premier rapport sur l’État du mal-logement
en France, la Fondation Abbé Pierre n’imaginait
pas qu’un phénomène - alors relativement
limité - puisse prendre l’ampleur qu’il connaît
aujourd’hui. Il apparaissait alors circonscrit aux
personnes à la rue ou privées de domicile personnel,
ainsi qu’à celles qui éprouvaient des difficultés
pour accéder à un logement autonome
(les sortants de structures d’hébergement ou de
foyers de jeunes travailleurs par exemple) ou pour
s’y maintenir du fait des aléas de la vie [1]. Ces difficultés
concernaient alors un nombre limité de
personnes et semblaient relativement conjoncturelles,
sachant que la statistique publique s’était
peu penchée sur la question. La situation a bien
changé et s’est fortement dégradée au cours des
dix dernières années, période durant laquelle le
mal-logement, loin de régresser, s’est développé
et profondément enraciné.
Le mal-logement évoque d’abord la figure emblématique
du sans-abri ou celle de personnes vivant
dans des conditions indignes d’insalubrité ou de
surpeuplement. Figures récurrentes auxquelles se
sont progressivement adjointes toutes les personnes
éprouvant des difficultés pour accéder à un
logement ou pour en changer ; celles qui, disposant
d’un logement, sont confrontées à son coût
croissant ou celles qui sont conduites à procéder
à des arbitrages difficiles dans leur budget, et se
trouvent parfois dans l’impossibilité de payer leur
loyer, voire sous la menace d’une expulsion. C’est
ainsi que les visages du mal-logement se sont
diversifiés et renouvelés donnant au phénomène
une ampleur nouvelle et préoccupante.
Les données globales sur la crise du logement
que la Fondation Abbé Pierre actualise chaque année,
soulignent l’importance d’un phénomène qui
concerne aujourd’hui plusieurs millions de personnes,
même s’il n’a pas la même intensité pour
toutes celles qui y sont confrontées : 3,6 millions
de personnes sont non ou très mal logées, mais
si l’on y adjoint tous ceux qui se trouvent en situation
de fragilité de logement à court ou moyen
terme, ce sont au total 10 millions de personnes
qui sont touchées par la crise du logement. D’intensité
variable, le mal-logement concerne de façon
spécifique les différentes catégories sociales.
Les plus vulnérables ont vu leurs difficultés s’approfondir
alors que le périmètre du mal-logement
s’élargissait aux salariés modestes et aux couches
intermédiaires.
[1] Ces situations sont particulièrement ciblées par la loi du 31 mai 1990
visant à mettre en oeuvre le droit au logement pour les personnes défavorisées.