M. le Président de la République,
C’est avec sens des responsabilités et empreint de gravité que je choisis de m’adresser directement à vous, au nom de la fédération COORACE. COORACE, ce sont 550 entreprises de l’économie sociale et solidaire réparties sur l’ensemble du territoire et plus de 70 000 salarié-e-s. Des entreprises et des militant-e-s qui s’engagent au quotidien pour l’emploi, la dynamisation des territoires et le renforcement du lien social. Des entreprises qui s’engagent pour faire vivre la solidarité dans un pays où, vous le savez, la cohésion sociale et le vivre ensemble sont soumis à rude épreuve.
Les fondateurs de notre fédération ont connu l’illégalité, il y a maintenant plus de 30 ans, quand, en tant que simples citoyen-ne-s, elles-ils ont décidé d’agir, envers et contre tout, pour protéger leurs semblables de la précarité face à la montée du chômage. En 1987, Philippe Seguin, alors Ministre des affaires sociales, en donnant un cadre juridique aux associations intermédiaires, posa les premières pierres de ce que l’Etat allait nommer la politique active de l’emploi.
Déterminées, nos entreprises associatives ont dû, depuis, se réinventer pour faire face au déclin des territoires et au chômage de masse installé durablement ; trouver des solutions, innover, coopérer, en conjurant les baisses de financement et les incertitudes liées aux alternances politiques.
Ces incertitudes ne faiblissent pas depuis votre élection, M. le Président de la République. Notamment depuis les annonces des premières mesures portées par votre gouvernement. Nous avons été interpellés par la baisse des APL, que nous avons dénoncée comme un arbitrage technocratique ; interpellé-e-s également par les coupes budgétaires sur le logement très social, la politique de la ville, l’égalité femmes-hommes.
Certes, des hauteurs de Bercy, soustraire ne reste qu’une opération comptable incapable de mesurer les conséquences de ses choix sur le maintien de notre pacte social, de fait, de notre contrat républicain.
Une nouvelle étape vient d’être franchie qui va mettre en péril de nombreux adhérent-e-s de notre fédération et plus généralement l’ensemble du tissu associatif national. En deux minutes de discours à l’Assemblée Nationale, pas moins, la ministre du Travail, Mme Pénicaud, annonce la diminution drastique des contrats aidés, jugés « trop chers, pas efficaces ».
Notre tissu associatif est plongé dans l’incertitude
Ces contrats aidés, permettez-moi de vous le rappeler, Monsieur le Président de la République, participent à la redynamisation de l’emploi dans nos territoires ruraux et urbains, dans des contextes économiques extrêmement tendus, où la cohésion sociale est mise à mal chaque jour. Ils réarment les personnes qui réussissent, grâce à ces dispositifs, à sortir du chômage de longue durée. Ils agissent comme un tremplin vers l’emploi, par les effets conjugués de l’activité professionnelle, de l’accompagnement et de la formation.
Ils répondent, aussi, permettez-moi de vous le rappeler Monsieur le Président de la République, à des besoins forts d’utilité sociale, non couverts par le marché et l’Etat. Ils sont destinés aux plus fragilisé-e-s par le chômage de masse : personnes privées d’emploi sans qualification, jeunes des quartiers, personnes âgées et handicapées.
Comment, en quelques semaines, les entreprises de notre réseau pourraient-elles réinventer leurs modèles économiques pour faire face à cette baisse des ressources humaines, sans mettre en péril leurs actions voire leur existence ?
Le tissu associatif dans notre pays est plongé dans l’incertitude. Incertitude qui touche également les milliers de personnes qui attendent actuellement le renouvellement de leur contrat pour retrouver le chemin du travail. Une évaluation des contrats aidés, comme toute politique publique, est nécessaire comme le préconise la Cour des comptes. Cette évaluation, ainsi que les mesures qui permettront plus d’efficacité vers l’emploi durable, ne pourront être menées à bien qu’en y associant l’ensemble des acteurs/trices, notamment les bénéficiaires de ces contrats.
Ce n’est pas la voie de la concertation que votre gouvernement a choisie. La méthode retenue est brutale et déstabilise nos structures. Devons-nous considérer que nous sommes à un point de rupture ? Avons-nous définitivement dépassé le stade où nous pouvons, entre la politique que vous menez, et nos actions au quotidien, trouver le moindre commun ?
Nous souhaiterions, Monsieur de Président de la République, que vous nous éclairiez sur les voies qui pourraient encore nous mener collectivement à une plus société plus fraternelle, inclusive, solidaire, quand la cohésion sociale est à ce point ébranlée par les orientations de votre gouvernement.
M. le Président de la République, nous vous invitons à écouter les sans voix, à regarder les sans visages et à leur prouver qu’une histoire commune est encore possible.
Avec mes très respectueuses salutations.
Monsieur Jean Burneleau,
Président de la fédération COORACE