Les événements survenus il y a maintenant deux semaines appellent à l’analyse. Les mots ne sont pas faciles à trouver pour tenter d’expliquer les causes. Qu’il s’agisse « d’apartheid social ou ethnique » ou tout simplement d’échec de trente-cinq années de politique de la ville, les causes sont hélas ancrées dans notre société, sédimentées au cours de décennies d’immigration mal gérée et de générations d’assimilation ou d’intégration ratées.
Ce qui discrimine au fond, ce n’est pas tant l’origine ethnique ou la religion que le chômage !
En période de croissance économique, chacun vaque à ses activités professionnelles, les enfants vont à l’école qui les forme aux métiers qu’ils exerceront plus tard….
Une période de crise est comme une marée basse qui met au grand jour les bateaux qui gisent au fond de l’eau. Lorsque l’économie ne suit plus, lorsque le travail se fait rare, lorsque la concurrence pour l’emploi devient aigüe, les différences deviennent criantes. La religion, la nationalité, la couleur de peau sont autant de facteurs de différenciation. Si les travailleurs sont relativement identiques, les chômeurs sont tous différents ; en d’autres termes, le chômage favorise la discrimination, qui peut conduire elle-même aux envies de radicalisation.
Ces zones dites « prioritaires » où le taux de chômage s’établit à 24 % (45% pour les 15-29 ans) contre 9,9 % (et 23%) dans le reste du pays, où un ménage sur cinq vit en-dessous du seuil de pauvreté (un sur dix ailleurs), où 39 % des habitants n’ont aucun diplôme à l’issue de leurs études (21 % dans les autres quartiers), sont en fait des zones de désespérance et peuvent mener à toutes les errances.
Au-delà de la situation catastrophique, on trouve en sus l’autocensure et la marginalisation administrative : les jeunes ne s’inscrivent même pas à Pôle emploi car ils n’ont souvent pas assez travaillé pour bénéficier d’allocations, et dans la mesure où l’inscription est la plupart du temps nécessaire pour bénéficier d’un contrat aidé, ces dispositifs ne les concernent pas, non plus.
Les individus à la marge existent, cette frange de la population s’accroît, c’est pour cela que la priorité absolue est de générer de l’emploi. Les gouvernants et les syndicats devraient se préoccuper un peu moins des conditions DE travail et un peu plus des conditions DU travail, c’est-à-dire un peu moins de ceux qui ont un emploi et un peu plus de ce qui conditionne la création d’emplois.
Il est indispensable de renoncer aux emplois aidés qui sont autant d’échecs dilatoires ; en effet, ces expérimentations retardent la prise de vraies mesures et sont autant de remèdes inefficaces. Il est en revanche indispensable d’impulser la création d’emplois par les intéressés eux-mêmes : les besoins sont importants dans les quartiers, les opportunités sont multiples, il ne manque que le nécessaire accompagnement pour amener les entrepreneurs potentiels à passer à l’acte.
La sagesse populaire nous enseigne que l’oisiveté est mère de tous les vices, nous pourrions compléter en disant que le chômage est père de toutes les dérives et que l’absence d’espoir conduit à toutes les extrémités.
Si l’on veut enrayer les tentations de radicalisation, il faut proposer des alternatives crédibles, il faut créer les conditions d’un avenir possible. Il faut dynamiter les préjugés et dynamiser les possibilités de création d’entreprises, il faut faire que n’importe quel pôle d’activité soit jugé plus attractif que Pôle Emploi, expliquer que n’importe quel métier est plus respectable que vivre en marge, qu’un apprentissage dans une scierie vaut mieux qu’une formation en Syrie, que le chemin de Damas est supposé être une voie vers la lumière et non vers l’obscurantisme.