Dans son dernier ouvrage, J.-F. Draperi ouvre un chantier vaste et stimulant : celui de construire la théorie générale de l’économie sociale et solidaire, défi impossible à relever, selon lui, à partir des approches trop partielles. L’économie sociale est trop insérée dans l’économie capitaliste, même si certaines de ses règles permettent aux hommes d’être « plus vertueux » ; l’économie solidaire restreint le champ de la solidarité économique et l’entrepreneuriat social est trop soutenu par le capitalisme des grandes entreprises. Pour rendre compte des nouvelles pratiques et dépasser l’approche limitée à un ensemblier d’entreprises, l’auteur appelle de ses voeux la reconstruction d’une théorie, ou d’une doctrine, qui l’affirme comme mouvement social susceptible de constituer une alternative, sur la base d’un projet social "qui s’adresse à la société dans son ensemble". Il sait que cette démarche sera de longue haleine, mais il tente d’en poser quelques jalons.
Critique de l’échange capitaliste
Cette théorie ne pouvant pas faire l’impasse d’une analyse critique du capitalisme, l’ouvrage adopte un point de départ très actuel qui ouvre à discussion : la critique de l’échange capitaliste (ce qui le conduit à un grand détour à travers le capitalisme commercial, industriel, puis financier). Selon l’auteur, il est insuffisant de considérer le capitalisme (et en conséquence l’économie sociale et solidaire) comme un mode de production et il est nécessaire de dénoncer le rapport de force, la concentration oligopolistique et l’opacité qui détruisent le lien social direct de réciprocité, et donc la société « qui se construit par l’échange ». A partir de l’échange, se pose la question du changement, terme proche étymologiquement : « changer d’échelle », « changer pour changer » ou « changement social » ? C’est la question centrale de l’ouvrage.