Au G20 des 15 et 16 avril, à Washington, les ministres des finances ont mis en scène des avancées très limitées dans la gouvernance économique mondiale. La "méthode ouverte de coordination" (MOC) expérimentée depuis dix ans par l’Union européenne dans le domaine social, avec le succès qu’on connaît, s’exerce désormais au plan mondial. Les dirigeants consacrent leur énergie à élaborer des "indicateurs de déséquilibres excessifs" qui permettront ensuite de montrer du doigt les mauvais élèves. Aucun mécanisme contraignant, hormis ceux qui renforcent l’austérité, ne leur sera cependant imposé pour redresser la barre.
Les questions sociales restent totalement hors du radar du G20 : l’emploi, le chômage, les inégalités sont absents des critères adoptés à Washington. Certes, concernant les indicateurs économiques et financiers, l’approche du G20 est moins aveugle que celle qui prévaut en Europe. Dans l’Union, seuls les pays déficitaires sont montrés du doigt : l’Allemagne, qui impose ses excédents commerciaux au reste de l’Union, est supposée "vertueuse". Le poids des États-Unis (lourdement déficitaires) dans le G20 empêche qu’une telle aberration y soit reproduite. La Chine, le Japon et l’Allemagne sont eux aussi - implicitement pour le moment - désignés comme coupables des déséquilibres mondiaux du fait de leurs politiques commerciales agressives.
Mais pour qu’une démarche coopérative de résolution des déséquilibres mondiaux ait une chance d’aboutir, il faudrait aussi que les États-Unis acceptent une remise en cause de l’hégémonie du dollar, ce qui est loin d’être le cas. Il faudrait enfin et surtout que le G20 s’attaque sérieusement à la domination de la finance, qui se délecte de jouer au yo-yo avec les monnaies et les matières premières, dont les matières premières agricoles.
De ce point de vue, le bilan est désastreux. La taxation des transactions financières - soi-disant une priorité de la présidence française du G20 - ne figure même plus dans les conclusions du sommet de Washington. Les paradis fiscaux offrent toujours leurs services impunément aux spéculateurs et fraudeurs du monde entier, permettant aux grandes entreprises de continuer à générer des dividendes en croissance en détournant la fiscalité.
La "lutte contre la volatilité des cours des matières premières" se limite à demander plus de transparence sur les marchés dérivés de produits agricoles (ou marchés à terme). L’hypothèse d’un plafonnement des positions de certains spéculateurs (mesure adoptée l’an dernier aux États-Unis) est évoquée mais repoussée au prochain G20. Des mesures qui, même si elles étaient adoptées, ne réduiraient que marginalement les fluctuations des cours.
Les marchés à terme de produits agricoles sont supposés protéger les producteurs contre les fluctuations de prix. Cible des spéculateurs, ces marchés sont maintenant une des causes de la volatilité des prix. Il faut les réguler drastiquement, mais également leur faire perdre leur raison d’être, en restaurant une forte régulation des marchés agricoles, notamment par des politiques de stocks et de prix garantis. Ce qui suppose de remettre en cause les accords de l’OMC, à l’inverse de ce qui est prôné chaque année par le G20.
Une coalition française et internationale d’organisations et de syndicats prépare la venue du G20 à Cannes en novembre 2011, après celle du G8 à Deauville en mai. Il s’agira de faire entendre aux dirigeants de la planète les exigences des citoyens du monde entier, afin de faire passer "les peuples avant la finance".