En 2001, la Commission des Recours des Réfugiés (aujourd’hui Cour Nationale du Droit d’Asile)
a jugé que les mutilations génitales féminines, telle que l’excision, étaient susceptibles de constituer une persécution pour les femmes entendant s’y soustraire. Il s’agissait d’un pas en avant dans la reconnaissance au titre de l’asile des violences fondées sur le sexe.
Ainsi, une protection a pu être attribuée par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et la Commission des Recours des Réfugiés (CRR) à des fillettes et jeunes filles
de nationalité étrangère exposées à ces risques en cas de retour dans leur pays ainsi qu’à leurs
parents s’opposant à ces pratiques. La Commission des Recours des Réfugiés a considéré que ces personnes constituaient un groupe social (SR, 7 décembre 2001, époux Sissoko).
Ces décisions allaient d’ailleurs dans le sens de la directive 2004/83/CE du Conseil de l’Union Européenne du 29 avril 2004 selon laquelle les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A2 de la Convention de Genève peuvent notamment prendre la forme de violences sexuelles ou d’actes dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ou contre des enfants.
Cependant, après avoir attribué pendant plusieurs années une protection au titre de l’asile à ces personnes, l’OFPRA a remis en cause cette jurisprudence au mois de juillet 2008 en refusant de reconnaître le statut de réfugié à des parents souhaitant soustraire leur enfant à ces pratiques. Dorénavant, il semble que plusieurs hypothèses sont envisagées par l’OFPRA :
soit l’un des parents de l’enfant réside en France en situation régulière et ni l’enfant ni l’autre parent ne bénéficiera d’une protection au titre de l’asile ; l’OFPRA considère ici que l’enfant est sous la protection du parent qui a un titre ;
soit l’ensemble de la famille demande l’asile et les parents sont en situation irrégulière : la protection subsidiaire pourra être attribuée seulement à l’enfant, à moins que les parents invoquent des craintes personnelles de persécutions ou de menaces graves en cas de retour dans leur pays d’origine en raison de leur opposition à l’excision de leur enfant.
Ce revirement, qui serait justifié par un supposé « effet d’appel d’air » face au nombre croissant de demandeurs d’asile invoquant des risques d’excision pour leur enfant, nous semble tout à fait contraire à l’esprit de la Convention de Genève. Il est d’autant plus préoccupant que le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ne prévoit pas d’admettre au séjour les ascendants de bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Les parents risquant de se voir refuser le séjour et de se retrouver en situation irrégulière, à moins que la préfecture ne décide de leur accorder un titre de séjour, il est donc porté atteinte à l’intérêt de l’enfant au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. En effet, des familles seront séparées si les parents ne bénéficient pas d’une protection ou d’un droit au séjour pour accompagner leur enfant.
C’est pourquoi la position que prendra la Cour Nationale du Droit d’Asile à la suite de l’audience en sections réunies du 11 février dernier est très attendue. À défaut d’une position protectrice de celle-ci, il serait souhaitable que les préfectures accordent systématiquement un titre de séjour mention « vie privée et familiale » aux parents concernés.