Ressources Solidaires : Astrée ouvre sa dixième antenne en France, toujours pour vaincre l’isolement des personnes, surtout les femmes. En quoi l’isolement est un mal social dont on souffre ? Quelles conséquences sur l’individu cela entraine t il ?
Christel Caparros : De nombreuses études sociologiques tendent à montrer que le tissus social se délite au travers des différentes mutations dans nos modes de vie. Par delà la recherche des causes, les "c’était mieux avant", ou "ça se passe différemment ailleurs", le constat est là : en France, 11 % de la population est en situation d’isolement selon l’INSEE, ce qui signifie avoir 4 contacts ou moins par semaine. Plus d’un quart de ces personnes déclarent souffrir de solitude et/ou d’ennui entre autre mal-êtres. Deux fois plus que les personnes non isolées interrogées.
Au delà du mal-être communément ressenti par les personnes en situation d’isolement, que se passe t’il lorsque ces mêmes personnes connaissent une situation difficile ?
C’est là tout l’enjeu de notre mission : l’isolement fragilise, impacte notre capacité à faire face aux évènements de la vie, ce qui conduit parfois à l’aggravation des situations et du vécu négatif, faute de soutien et de compréhension.
Ressources Solidaires : Astrée est en partie financée par des chefs d’entreprise. Surprenant comme moyens de financement. Pourquoi cette histoire ? Quelles motivations y trouvent ils ?
Christel Caparros : Astrée est née de la volonté de faire le lien entre les personnes fragilisées, et celles volontaires pour aider d’autres personnes. Notre fondateur a su convaincre quelques grands patrons d’entreprise d’apporter leur soutien à cette nouvelle forme de solidarité, bien avant que les lois sur la responsabilité sociale des entreprises ne viennent intimer un cadre à cet engagement.
La plupart d’entre eux demeurent fidèles et continuent de soutenir nos actions et notre développement territorial, convaincus par la nécessité de favoriser l’accompagnement relationnel et le lien social pour les plus fragilisés. Nous sommes tous égaux devant la souffrance et les aléas de la vie, et cet autre qui marche à nos côtés pour "traverser le fleuve" permet souvent de trouver le courage d’avancer.
Le soutien de nos partenaires revêt une importance capitale, et un sens particulier, quand on sait par exemple que la signature de notre principal soutien, AG2R LA MONDIALE, se trouve être : ’Le contraire de Seul au monde’.
Ressources Solidaires : Astrée intervient en soutien par la parole, qu’elle soit collective ou individuelle. En tant que bénévole, pourquoi choisir Astrée ? Quels sont les principes d’intervention développés par Astrée ?
Christel Caparros : En réalité, les bénévoles interviennent plus par leur présence, leur écoute, que leurs paroles chez Astrée...
Nous leur proposons d’adopter une posture, un cadre éthique particulièrement exigeants, basés sur des valeurs fondamentales : accompagner avec bienveillance, empathie, sans jugement ni tentation d’exercer un quelconque pouvoir sur l’autre.
Ils témoignent souvent du vrai "travail sur soi" que cela suppose, pour accepter de laisser à la personne accompagnée les rênes de sa propre vie. Lorsque nous voulons aider, nos réflexes sont souvent très différents : s’affairer à trouver une solution dans les plus brefs délais, comparer avec nos propres expériences, donner un avis sur la situation, minimiser la douleur de l’autre... Autant de bonnes intentions qui peuvent parfois impacter l’autonomie, la confiance en soi et les "résultats" pour la personne qui demande de l’aide.
Les bénévoles Astrée sont formés pour accompagner et soutenir, au cours de rencontres hebdomadaires d’une heure à heure trente, notamment par l’écoute active et une vraie présence bienveillante pour l’autre. Ils participent à des groupes d’échanges sur les pratiques obligatoires, et les relations d’accompagnement sont supervisées par des professionnels. Dès lors, cet autre, un égal, et non pas un "sachant", qui nous écoute avec attention et accompagne notre propre réflexion, devient un miroir de notre propre valeur, de nos propres émotions, et nous permet de cheminer en se sentant moins seul.
Pourquoi choisissent-ils de nous rejoindre ? Nous l’avons vu, nous sommes tous égaux face aux aléas. Parfois, les bénévoles ont connu eux mêmes des étapes difficiles, et souhaitent s’engager pour aider d’autres à leur tour. Parfois, de jeunes étudiants ou actifs souhaitent contribuer à ce que notre société soit plus solidaire et "inclusive".
Tous, témoignent d’un enrichissement personnel au travers de ces rencontres, et de ces moments de partage : le lien social profite toujours aux deux mains qui le tissent.