En France, le moment n’est-il pas venu de décréter l’urgence en matière de lutte contre l’exclusion financière ? Alors qu’il s’agit de chercher à apporter des réponses à la crise des banlieues, maintenir à l’écart du système bancaire les cinq millions d’individus qui sont aujourd’hui privés de compte en banque ou d’accès au crédit - 10,7 % de la population âgée de plus de 18 ans - relève d’un mauvais calcul politique, économique et social. On sait, en effet, qu’en privant les individus d’un compte en banque ou en leur refusant un crédit au motif qu’ils ont des revenus faibles ou modestes, on les condamne à l’exclusion sociale. On accroît les inégalités quand il s’agit de réduire la fracture sociale.
De surcroît, ne rien faire contre l’exclusion financière nuit au développement économique. L’expérience des Etats-Unis, qui ont obligé les banques à financer les pauvres, par une loi de 1977 (Community reinvestment act) adoptée à la suite des mouvements antiségrégationnistes des années 1960 et 1970, et relancée par Bill Clinton en 1997, doit être méditée. Elle montre qu’on accroît les richesses en ouvrant l’accès au crédit aux habitants des banlieues défavorisées. A Chicago, une banque locale, la Shore Bank, a permis de réhabiliter, en seulement vingt ans, des quartiers entiers, auparavant sinistrés économiquement et socialement, en permettant à la communauté noire d’acquérir des logements et de créer des micro-entreprises.