On se suicide dix fois plus en prison qu’à l’extérieur : c’est la réalité choquante qu’interroge le dernier numéro de Dedans Dehors, la revue de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP). L’administration pénitentiaire a ainsi dénombré 149 suicides entre les murs l’an dernier, dont quatre concernaient des mineurs.
Des chiffres qui, rapportés à la population carcérale, sont parmi les plus élevés d’Europe. Et qui en masquent d’autres, tous plus alarmants les uns que les autres : 2 644 « actes auto-agressifs » recensés en prison en 2023 ; un risque de suicide encore multiplié par vingt au quartier disciplinaire, par sept au quartier d’isolement… L’accumulation de ces drames retentit sur toute la détention, et pose autant de questions douloureuses. Celles des proches, qui doivent souvent batailler pour obtenir des réponses. Et celles que pose la prégnance d’un tel désespoir au sein du système carcéral.
Pour explorer ce thème difficile, ce numéro de Dedans Dehors donne la parole aux premières personnes concernées : les personnes détenues, leurs proches et les professionnels – soignants ou membres du personnel pénitentiaire. Mais aussi à l’épidémiologiste Alexis Vanhaesebroucke, dont les recherches éclairent la réalité du suicide en prison à partir de données d’une exhaustivité inédite. La revue enquête également sur le suicide des mineurs. Elle retrace l’histoire de deux vies captives interrompues trop tôt, celles de Paul et de Karima. Elle examine les différents dispositifs de prévention mis en place par l’administration et les limites auxquelles ils se heurtent : manque de moyens humains, primat de logiques sécuritaires, politiques pénales qui remplissent toujours plus les prisons sans tenir compte de l’état des personnes mises en cause… Difficile de mettre en œuvre une politique de prévention du suicide ambitieuse sans changer complètement de paradigme sur la détention.