Aujourd’hui, une grande victoire juridique met un terme à une bataille judiciaire de 9 années. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de reconnaître à l’unanimité que la France viole le droit à une vie familiale en ne se préoccupant pas du relogement des familles vivant en caravane à Herblay dans le Val d’Oise (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).
Depuis une trentaine d’années, à Herblay dans le Val d’Oise, des familles de gens du voyage sédentarisées et quelques ménages n’ayant plus que la caravane ou la cabane comme mode d’habitat accessible, vivent sur un terrain boisé que la ville souhaite transformer en une zone verte. Quelques-uns sont propriétaires ou locataires, d’autres sans titre, la plupart n’ont pas accès à l’électricité, ni à l’eau. Certaines de leurs caravanes ne roulent plus.
Avril 2004, les familles sont assignées en référé et menacées d’expulsion par la municipalité sans qu’aucun dialogue ne soit amorcé pour prendre en compte leur demande d’habitat. Le motif invoqué est "l’occupation parfaitement illicite" d’une zone naturelle "qu’il convient de protéger en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments qui le composent". La mairie est déboutée, car il n’y a pas urgence. 27 septembre 2004 nouvelle assignation. Les défendeurs sont condamnés à évacuer le lieu dans un délai de trois mois à partir de la signification du jugement, sous astreinte de 70 € par jour de retard.
Fin janvier 2006, ATD Quart Monde dépose une réclamation collective auprès du Conseil de l’Europe. Le 4 février 2008, première victoire : le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe reconnaît que la France a effectivement des textes en place pour permettre l’accès de tous au droit au logement mais ces textes ne sont pas appliqués de manière convenable et déterminée. Il apparaît prioritaire de se donner enfin les moyens d’appliquer la législation en vigueur, avec une ambition de résultat.
Le 13 juin 2007, une requête est présentée en CEDH par 25 personnes et ATD Quart Monde.
Aujourd’hui, 17 octobre 2013, journée mondiale du refus de la misère, le verdict tombe : la France n’a pas respecté le droit fondamental à une vie familiale. Plus précisément, l’avis indique que même si le respect d’un plan d’occupation des sols et la cessation d’une occupation illégale sont des buts légitimes, l’Etat a l’obligation de prêter une attention suffisante aux besoins des familles en terme de relogement dans un souci de proportionnalité entre le but poursuivi et l’impact sur la vie des familles. La CEDH constate que depuis 2005 seules quatre familles ont été relogées, les autres familles n’ont pas bénéficié d’une attention suffisante des pouvoirs publics face à leur demande y compris de logement en terrain familial.
Cette décision de justice est historique : elle fait évoluer la jurisprudence française et européenne. On ne pourra plus décider d’expulser ainsi des familles sans proposer de solution de relogement. Par ailleurs elle accorde des dommages et intérêts aux requérants. Mais l’objectif premier pour ces familles, c’est surtout qu’on leur propose enfin un relogement correspondant à leurs besoins.