L’Institut Montaigne poursuit sa réflexion sur le financement de l’économie française et ses transformations induites par la crise économique de 2008. Après un rapport sur la régulation bancaire [1], publié en novembre 2012, l’Institut s’est attaché à analyser l’une des particularités de notre secteur financier, à savoir le poids du modèle mutualiste dans la banque et l’assurance.
Comment ce modèle, né des soubresauts de la révolution industrielle et de l’âpreté du XIXème siècle, a-t-il pu se constituer en modèle majoritaire dans notre pays ? Peut-il parvenir à se pérenniser dans un contexte de mutations accéléré et à quelles conditions ? Pour répondre à cette question, l’Institut a rassemblé un groupe d’experts et de praticiens représentant toute la richesse du secteur mutualiste et a élaboré 18 propositions en matière de communication, de financement et de gouvernance.
Un modèle majoritaire dans les services financiers et dont la performance est soutenue
Modèle économique original, sans but lucratif et sans actionnaire, le mutualisme fonctionne depuis deux siècles autour d’un mode de gouvernance fondé sur le principe « un homme – une voix » et constitue aujourd’hui une voie complémentaire aux sociétés anonymes. Au-delà de l’attachement à un corpus de valeurs commun structuré par le sociétariat et porté par une vision de long terme, le mutualisme se caractérise par une très grande diversité des statuts juridiques et des secteurs d’activité qu’il recouvre, répondant ainsi aux aspirations d’une partie de la population à consommer, produire, se développer, se financer, s’assurer autrement.
Le modèle économique du mutualisme domine largement les marchés de la banque de détail (67 % des encours de dépôts et 71 % des crédits aux particuliers sont le fait des banques coopératives) ainsi que celui de l’assurance des biens et des personnes. C’est également un modèle dont la performance économique est démontrée notamment en banque de détail (en 2012, les établissements mutualistes ont généré plus de 2/3 de la rentabilité d’exploitation des établissements en France).
Un modèle qui doit s’adapter à un environnement en mutation
Or aujourd’hui, dans le secteur financier, les mutations s’accélèrent. Mutation du comportement des ménages, pression concurrentielle renforcée dans des marchés parvenus à maturité, durcissement de la réglementation en matière de fonds propres et de couverture des risques, poids accru du rôle du régulateur européen, moins sensible aux spécificités de la gouvernance mutualiste… Comme l’ensemble des acteurs financiers, les banques coopératives et mutuelles d’assurance doivent s’adapter. Mais la vraie menace est sans doute ailleurs, celle qui tient au risque de banalisation des valeurs mutualistes, dès lors que des assureurs et des banques opérant sous statut capitalistique, mettent aussi au cœur de leurs priorités la qualité de service rendue à l’assuré et s’inscrivent dans des démarches ambitieuses de Responsabilité sociale d’entreprise.
Si la réussite du modèle mutualiste est aujourd’hui incontestable en France, en quoi reste-t-il un modèle moderne résolument tourné vers l’avenir ? Quelles sont les pistes d’action qui permettront aux mutuelles d’assurance et aux banques coopératives de constituer un modèle attractif tout au long du XXIème siècle qui vient de débuter ?
1. Mieux expliciter et communiquer sur le modèle coopératif et mutualiste auprès des clients/sociétaires/adhérents, des collaborateurs et des pouvoirs publics (et notamment du régulateur européen)
2. Enrichir le lien avec ses clients/sociétaires/adhérents
3. Renforcer la gouvernance qui requiert la mise en œuvre de quatre bonnes pratiques
Généraliser des parcours de formation pour les administrateurs élus par les sociétaires ou leurs délégués afin de les associer pleinement aux décisions
Mettre en place un processus permettant de détecter des jeunes talents pour former de nouveaux administrateurs selon les normes d’évaluation de la profession et en accord quand il existe avec le Comité de Sélection
Veiller à ce que les Conseils des groupes mutualistes se dotent des processus et des moyens permettant le renouvellement régulier des membres et de disposer de l’expertise requise pour exercer pleinement leurs responsabilités
Inciter à l’engagement des membres et sociétaires afin que la participation à la gouvernance ne se démente pas, notamment par l’usage des nouveaux moyens technologiques (intranet, réseaux sociaux …)
4. S’agissant des assurances, se doter des outils financiers et juridiques afin de permettre le renforcement des fonds propres, une plus grande agilité dans l’organisation, notamment pour les acteurs de l’assurance, et le développement international
Ce rapport est le fruit d’un groupe de travail composé d’une vingtaine d’experts réunis sous la co-présidence de Thierry Martel, directeur général, Groupama et Michel Mathieu, directeur général délégué, Crédit Agricole SA.
A propos de l’Institut Montaigne
Association à but non lucratif, l’Institut Montaigne est un laboratoire d’idées créé en 2000. Il élabore des propositions concrètes autour de quatre axes de politiques publiques : action publique, cohésion sociale, compétitivité et finances publiques. Adressés aux pouvoirs publics, ses travaux sont le fruit d’une méthode d’analyse et de recherche ouverte sur les comparaisons internationales, rigoureuse et critique. L’Institut Montaigne réunit des chefs d’entreprise, des hauts fonctionnaires, des universitaires et des personnalités issues d’horizons très divers. Ses financements sont exclusivement privés, aucune contribution n’excédant 2 % d’un budget annuel de 3 millions d’euros. À travers ses publications et les événements qu’il organise, l’Institut Montaigne, think tank pionnier en France, souhaite jouer pleinement son rôle d’acteur du débat démocratique.