De plus en plus de consommateurs acceptent de payer plus cher certains produits pour assurer aux paysans une juste rémunération de leur travail. Seulement, pour toucher un large public, les acteurs du commerce équitable ont dû faire des concessions. Et pour l’instant, aucune norme n’encadre leurs pratiques.
La VI-ème quinzaine du commerce équitable va se tenir dans toute la France du 29 avril au 14 mai. Quinze jours pour consommer autrement, en acceptant de payer plus cher des marchandises produites par des paysans du tiers-monde afin de leur permettre de vivre dignement de leur travail. La démarche est généreuse, aux antipodes des lois du commerce mondial, mais le principe « du commerce, pas de l’aide » reste fragile. Longtemps confinés aux boutiques alternatives, les produits du commerce équitable s’installent de plus en plus dans les grandes surfaces. Dévoiement du concept ou nécessité pour toucher un large public, le débat est loin d’être clos, mais en sortant des sphères associatives pour entrer dans l’ère commerciale, le commerce équitable devient la proie de toutes les convoitises, la cible de toutes les récupérations. Les multinationales de l’agroalimentaire et les géants de la grande distribution, toujours à l’affût de nouvelles niches marketing, ont flairé tout le profit
qu’ils pouvaient tirer de l’engouement des consommateurs pour des « produits plus justes ». Quant aux acteurs du commerce équitable, s’ils partagent à peu près les mêmes valeurs, leurs approches sont souvent fort divergentes. Faut-il limiter le commerce équitable aux seuls échanges Nord-Sud et ignorer les paysans des pays développés qui, eux non plus, n’arrivent plus à vivre de leur travail ? Faut-il le centrer sur le sort des seuls petits producteurs et ignorer les conditions de travail déplorables des marins sur les bateaux qui transportent les matières premières depuis les pays du Sud, celles des ouvriers des usines de transformation, celles des salariés des grandes surfaces ? D’où la difficulté de définir une norme acceptée par tous. Une loi, celle du 2 août 2005, reconnaît officiellement le commerce équitable, sans être plus explicite sur ses principes. Tout dépendra des décrets d’application. Parce qu’il fait appel à des valeurs morales, à des convictions, le commerce équitable doit présenter de fortes assurances de transparence et de fiabilité. Or, il n’existe actuellement aucune certification capable de garantir au consommateur l’authenticité de l’appellation.
Jean-Paul Geai
Cinq euros supplémentaires par mois par producteur
Le prix minimum garanti est calculé suivant différents paramètres, à commencer par l’avis des producteurs eux-mêmes. Il ne doit pas être complètement déconnecté du marché, sans quoi le commerce équitable ne servirait qu’à créer des " poches de développement " et des déséquilibres. Son intérêt principal est de garantir aux producteurs qu’ils pourront couvrir leurs coà »ts de production et les besoins de leur famille quelles que soient les variations des cours.
Café, coton, chocolat... : les mécanismes de stabilisation des marchés sont tous en situation de faillite depuis les années 90. Dans ce contexte, le prix minimum garanti prend tout son sens.
Max Havelaar n’oblige à aucun engagement d’achat à moyen terme
Faux : les standards stipulent que " Les vendeurs et acheteurs s’engagent à établir une relation stable et à long terme, dans laquelle les droits et intérêts des deux parties sont mutuellement respectés. "
Certains acheteurs signent une lettre d’intention sur cinq ans, même si ce critère n’est pas encore obligatoire dans les standards. Cet aspect est en cours d’amélioration.
Les acheteurs abandonnent les producteurs quand les prix baissent
Les marchés du commerce équitable augmentent de 40% chaque année. Les produits équitables étant encore quelques produits bien identifiés dans une gamme, les acheteurs ne peuvent pas se dédire du jour au lendemain sur une simple variation des cours.
L’écusson sert de caution aux grandes surfaces
L’écusson a justement été conà§u afin de mettre en valeur la multiplicité des lieux de distribution : hôtels, restaurants, artisans, cafés... Un seul autocollant est donné par distributeur. Dans un supermarché, il passe inaperà§u. Chez un petit torréfacteur, non.
Danger que les organisations de producteurs se servent au passage
Parmi les critères les plus fondamentaux du commerce équitable, les standards garantissent le fait que les organisations de producteurs soient transparentes, démocratiques et contrôlées par leurs propres adhérents. Si elles " se servent ", c’est donc sur décision des producteurs eux-mêmes et dans l’intérêt de tous.
Max Havelaar se désintéresse complètement des conditions de travail d’ouvriers, marins, magasins
Même si on ne peut pas dire que leurs employés bénéficient du commerce équitable, toutes les industries de transformation au Sud et les exportateurs s’engagent contractuellement à respecter les conventions de l’Organisation Internationale du Travail.
Dans les magasins en France, il existe des syndicats et des associations de consommateurs qui sont les interlocuteurs appropriés pour traiter de ces questions. Max Havelaar France n’a pas vocation à s’y substituer. Le transport maritime est un secteur très complexe, avec des pavillons de complaisance, o๠il est quasiment impossible d’intervenir. Faut-il pour autant s’abstenir d’agir ?
Max Havelaar est partenaire de McDonald’s, Accor, Starbucks
Ces entreprises ne sont pas partenaires de Max Havelaar, elles distribuent des produits labellisés dans certains de leurs points de vente. Rappelons que ce sont les organisations de producteurs qui sont certifiées. Les acteurs économiques (importateurs, transformateurs...) sont agréés pour faire transiter et commercialiser leurs produits. Ce sont les produits qui sont labellisés, en aucun cas les entreprises. Mac Donald’s en Suisse ne fait que distribuer du café fabriqué par la marque Aroma, issu de coopératives certifiées. Même processus en France pour Accor et Starbucks.
La décomposition du prix est invérifiable
Il s’agit d’une moyenne. Nous ne sommes pas autorisés à révéler les marges faites sur chaque produit. En effet, dans un récent avis (6-A-07 du 22 mars 2006), le Conseil de la concurrence a considéré que la fixation de prix concertés au niveau de la production n’était admissible que parce que les règles de concurrence étaient respectées aux stades ultérieurs de la filière. Notre association n’a donc aucun droit de s’immiscer dans la relation entre ces entreprises aval, en particulier par une fixation de marges.
Max Havelaar est une marque et non un label
C’est le Comité des standards o๠sont représentés, entre autres, les producteurs, qui rédige les standards. FLO-Cert a été créé comme un organisme de certification indépendant. Ce n’est pas de la pure forme : FLO-Cert suit les procédures d’indépendance de la norme internationale ISO65 dont l’attribution est imminente.
La définition commerciale du label est la suivante : " Marque collective exprimée sous la forme d’une inscription, d’un signe ou d’un logo apposé sur un produit et qui atteste que ce dernier possède un certain nombre de qualités et de caractéristiques " (Dictionnaire de mercatique de J.C Gilardi, M. Koehl, J.L. Koehl). Les labels sont souvent créés par des organisations professionnelles, des collectifs, mais ils peuvent également l’être par des organismes publics ou para-publics.
La journaliste emploie le terme de marque commerciale : " Nom donné à un produit ou service par un fabricant, producteur ou distributeur. C’est l’identité qui protège légalement un produit et qui lors de sa commercialisation lui permet de se différencier de la concurrence. "
Il est vrai que la DGCCRF continue de dire que seules peuvent se qualifier " label ", les certifications entrant dans le champ des labels de qualité concernant les produits agricoles et alimentaires régis par les dispositions du code rural et du code de la consommation. Mais il s’agit là d’une simple interprétation contredite par les deux seules décisions judiciaires récentes intervenues en ce domaine (Cour d’appel de Paris 27 juin 2003, Cour d’appel de Versailles 23 septembre 2004). Ce label répond à toutes les conditions posées : il a bien pour objet de garantir l’application d’un cahier des charges, il est contrôlé par un organisme certificateur et il ne prête pas à confusion avec un label de qualité.