Le discours de la « responsabilité sociale des entreprises » encourage la croyance en une réforme du capitalisme qui pourrait venir de son intérieur même. Est-ce qu’il ne justifie pas ainsi la poursuite de politiques de croissance insoutenables dans la durée ?
Au regard de la montée des inégalités et de la dégradation de l’environnement, le monde des affaires plaide pour une responsabilisation généralisée. Chacun de nous est appelé à faire preuve de « responsabilité » dans l’exercice du rôle économique qui lui est imparti : les entreprises en adoptant des pratiques dites de « responsabilité sociale des entreprises » (RSE), les employés en se montrant exigeants à l’égard des normes morales affichées par leurs employeurs, les investisseurs en intégrant des critères sociaux et environnementaux dans leurs décisions de placement, et les consommateurs en se transmuant en « consom’acteurs » soucieux des implications socio-écologiques de leurs décisions d’achat.
Cette injonction à la prise de « responsabilité » s’est diffusée dans notre société dès la fin des années 1980, avec une intensité qui s’est accrue au fil du temps. Portée par d’importantes coalitions d’entreprises telles que le « pacte mondial » chapeauté par les Nations unies, relayée dans les formations au management et assénée par les services de communication et de marketing des entreprises, elle imprègne aujourd’hui notre quotidien.