Du 10 au 14 juillet, avaient lieu à l’université d’Amiens les rencontres mondiales du logiciel libre, connues également sous le diminutif RMLL. Une grande manifestation qui rassemblait, pour la 8e édition, les différents acteurs du domaine. Ici, le monde associatif côtoie le monde de l’entreprise, le monde universitaire, le monde éducatif, les collectivités locales, les grandes administrations ainsi que les simples utilisateurs comme les passionnés.
Tenir compte de l’intérêt des autres
Bref, une vaste communauté où chacun y trouve son intérêt et tiens compte de l’intérêt des autres. Car c’est bien ça le logiciel libre : tout le monde a la liberté de contribuer, et chacun dispose des contributions des autres. Le parallèle avec l’encyclopédie Wikipédia est inévitable.
D’ailleurs, les deux communautés sont très proches et sont liées par une même philosophie, celle du partage et de la création de biens communs. Le logiciel libre sort donc du modèle classique basé sur la concurrence pure, le secret industriel et la logique du brevet. Il a longtemps soulevé des réserves quand à sa viabilité économique. Aujourd’hui, celle-ci ne fait plus aucun doute. De nombreuses études ont validé ce modèle, mais il y a un indice encore plus flagrant : il suffit de voir le nombre d’entreprises (jusqu’aux plus grosses actuelle : IBM, Sun, etc.) impliquées dans le développement d’applications libres.
Nombre d’administrations ont déjà adopté OpenOffice, Firefox ou Linux…
Le marché du service est lui aussi fortement touché. Nous avons vu la création de nombreuses SSLL, autrement dit des SSII offrant des prestations basées sur du libre. Autre indice : de nombreuses administrations ont effectué un déploiement massif de logiciels libres et fonctionnent actuellement avec des programmes bien connus comme OpenOffice, Firefox, Thunderbird ou Linux.
La gendarmerie nationale a été l’un des précurseur en France, avec le déploiement, début 2006, d’OpenOffice et de la suite Mozilla sur son parc informatique. Plus récemment, l’assemblée nationale vient d’équiper ses 577 députés, et autant d’assistants, de postes fonctionnant avec le système d’exploitation Linux et utilisant des logiciels libres, notamment pour la messagerie.
Enfin, les grandes villes européennes franchissent peu à peu le pas : Munich et la migration de 14000 postes, Amsterdam en 2006, ou encore Paris, en juin 2007, qui a annoncé l’équipement des 163 élus de la ville sous logiciels libres. De nombreux pays comme le Brésil, le Chili ou le Venezuela ont également annoncer de pareilles mesures.
Cependant, il serait faux de réduire, comme trop souvent, les avantages du logiciel libre à un simple intérêt comptable. Même si sa base est la libre diffusion du logiciel, des intérêts encore plus fondamentaux sont en jeux. D’une part, l’apport d’une communauté de contributeurs à l’édification de logiciels est indéniablement bénéfique, de part sa réactivité et sa force de proposition.
Le choix de l’indépendance technologique pour combattre les monopoles
Ensuite, il permet à chaque pays, à chaque administration, de marquer son indépendance technologique vis-à-vis des grandes sociétés éditrices de logiciels, généralement américaines. D’autre part, sa philosophie et son développement ont mis en avant un point clé qui est l’interopérabilité et l’utilisation de formats ouverts. Cela facilite considérablement les communications dans un monde équipé de systèmes hétérogènes. Les formats ouverts nous rassurent également sur les futures migrations et mise à jour par l’assurance d’une continuité du support des formats.
Le libre permet également de combattre des monopoles, là où des entreprises classiques ont toutes les peines du monde à s’imposer. Le marché des navigateurs internet est l’exemple le plus marquant : la constante progression de Firefox (en mars 2007 à 24% de parts de marché et aujourd’hui à 28% en Europe d’après Xiti) montre que le monopole de Microsoft sur ce secteur est fortement déstabilisé par un concurrent libre.
Au delà du simple combat sur les parts de marché, cette petite révolution a permis d’imposer le respect des standards sur les nouvelles versions des navigateurs et a relancé l’innovation et l’émergence de nouvelles fonctionnalités. Les utilisateurs, mais aussi les développeurs web, en sont donc les grands gagnants.
Un second monopole est aussi menacé par le libre, celui des ordinateurs grand public. En effet, il n’est plus rare, aujourd’hui, de trouver des PC équipés d’une distribution Linux, réduisant au passage le coût de la machine du prix de la licence du système. La vente forcée ou vente liée, qui a permis à Microsoft de constituer son monopole mais qui a également accéléré l’informatisation du grand public, est de moins en moins omniprésente. Beaucoup de travail reste encore à faire sur ce sujet, mais il est possible, désormais, de trouver des alternatives offrant un vrai choix quant au système d’exploitation.
De la création graphique jusqu’au secteur de l’éducation avec Gcompris, par exemple
A Amiens, pendant cette rencontre internationale, il a été notamment question de l’intérêt du libre pour le secteur public, avec des projets comme le RGI (Référentiel Général d’Interopérabilité) ou la dématérialisation de l’administration ; dans le secteur scientifique avec des projets de plate-formes de calcul, de simulation, de télé-médecine ; dans le domaine de la création artistique avec des outils de création graphique comme Blender, The Gimp, de montage vidéo et de création de jeux vidéo ; dans le monde de l’entreprise avec l’utilisation de plate-formes facilitant la gestion des relations clients et la gestion interne (comptabilité, planification, management, ressources humaines, etc.) ; dans le secteur de l’éducation, avec la présentation de distributions spécialisées, d’outils pédagogiques comme AbulEdu ou Gcompris ou de système de gestion d’élèves et de rendu de travaux.
Au total, plus de 300 conférences ont été présentées, et environ 1500 personnes d’une cinquantaine de nationalités ont pris part à cette rencontre. Reste que si chacun était d’accord sur le bilan positif du logiciel libre, celui-ci est encore menacé par la volonté d’instaurer les brevets logiciels en Europe. Enfin, la question des verrous numériques (ou DRM), qui a fait largement parlé d’elle lors des discussions sur la loi DADVSI, pose toujours problème car ces verrous sont incompatibles avec des logiciels libres.