A propos des dernières informations sur l’emploi associatif
Recherches et Solidarités a publié en juin 2015 « les associations face à la conjoncture ». Cette note conclut de façon résolument optimiste que l’emploi associatif progresse année après année, semblant contredire les prévisions du Collectif des associations citoyennes. Ces conclusions, reprises par Fil Hebdo qui annonce « le retour à la hausse de l’emploi associatif », appellent quelques remarques :
1. L’évolution de l’emploi décrite dans cette note cumule indistinctement des emplois à temps complet et des emplois à temps partiel. Le fait de raisonner ainsi masque le phénomène de multiplication des emplois précaires et temporaires, parfois de très courte durée.
2. Avec les chiffres qui sont publiés, on constate que l’emploi associatif total oscille entre +0,1 % et -0,1% chaque trimestre, ce qui correspond à une stagnation et non une progression. En effet, 0,1 % de 1 800 000 emplois correspond à 1 800 emplois, ce qui est inférieur à la marge d’incertitude des estimations.
3. Cette stagnation a connu une exception du 3e trimestre 2013 au 3e trimestre 2014, où l’emploi total a augmenté de 1,3 %, ce qui correspond à ramener au nombre total d’emplois un gain net de 23 000 emplois. Cela correspond bien évidemment, comme d’ailleurs le texte y fait allusion, au lancement des emplois d’avenir. 62 000 emplois d’avenir ont été créés dans les associations entre le 3e trimestre 2013 et fin 2014. En leur absence, l’emploi associatif aurait fortement diminué, d’environ 40 000 emplois, ce qui correspond à l’estimation qu’avait fait le Collectif en septembre 2013. Le plan social invisible dont nous avions parlé est malheureusement bien en marche.
4. Depuis le 4e trimestre 2014, les emplois d’avenir ayant des effets beaucoup moins nets, on retrouve la tendance antérieure (0% et -0,1%). Nous estimons qu’en l’absence de nouvelles formes de contrats aidés cette tendance négative ne peut que s’accentuer en 2015 sous l’effet des décisions prises par 80% des communes de restreindre leurs subventions aux associations, comme le montre la cartocrise-associative.
5. Les emplois d’avenir s’adressent à des jeunes sans emploi ou faiblement qualifiés, qui connaissent des difficultés d’insertion dans la vie active. Ils ont une durée de un à trois ans maximum. Cela signifie que ces 62 000 jeunes employés temporairement vont se retrouver, parfois dès cette année en recherche d’emploi.
6. L’approche globale de cette note de conjoncture ne fait pas de distinction entre les secteurs et surtout les tailles d’associations. Cette approche masque la bipolarisation des structures associatives, avec d’un côté quelques milliers de grandes entreprises associatives qui ont pour la plupart une logique d’entreprise et de croissance externe [1], et de l’autre une masse de petites associations sans beaucoup de moyens. Entre les deux, on assiste aujourd’hui à une remise en cause massive du travail et de l’existence des associations moyennes, qui tiennent le terrain et sont pourtant le meilleur rempart contre la désespérance civique. Cette hécatombe ne fait que commencer avec les nouvelles restrictions budgétaires programmées pour 2016 et 2017. D’ailleurs, Recherches et Solidarités reconnait dans sa note que 250 000 associations dans les secteurs de la santé, du social, des loisirs, de la jeunesse et l’éducation populaire (auquel il faut ajouter la culture) sont en extrême difficulté et risquent de disparaître.
Espérons que le rapport « la France associative en mouvement » et encore plus l’enquête en préparation sous les auspices de l’INSEE apporteront des réponses à ces questions. Dans l’attente, nous ne souhaitons pas entamer une polémique sur ces chiffres dont les présupposés ne nous paraissent ni adéquats ni suffisamment étayés à ce stade. Nous souhaitons simplement ne pas laisser le champ libre à un discours lénifiant et auto justificateur, qui aurait pour effet de retarder le plus possible la prise de conscience par les associations citoyennes des difficultés qu’elles subissent. Un des enjeux des prochaines années est la poursuite d’un mouvement associatif tourné vers l’intérêt général, la solidarité, la citoyenneté, pour lequel le Collectif des associations citoyennes souhaite poursuivre et accentuer son action.
[1] Que cette logique soit choisie délibérément par les dirigeants ou imposés par des conventions pluriannuelles d’objectifs de moyens (CPOM) ou par des appels d’offres.