Une équipe de chercheurs de l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, placée sous la direction de Alan Dangour, a publié, en juillet 2009 une étude commandée par la Food Standards Agency (l’agence de sécurité alimentaire britannique). Ces chercheurs ont passé en revue tous les articles, environ 50 000, publiés au cours des 50 dernières années ayant trait à la teneur en éléments nutritifs et aux bienfaits pour la santé entre les aliments biologiques et « conventionnels ». Cette démarche statistique consiste à analyser les résultats d’une série d’études indépendantes ayant déjà été menées sur un thème donné et ayant abouti à des résultats contradictoires. Sur cette masse considérable de documents, 162 seulement ont été jugés pertinents par les chercheurs. Mais seuls 55 ont fait l’objet d’une étude approfondie et ont permis aux auteurs de l’étude de conclure qu’il n’y a aucun bénéfice pour la santé à consommer des produits alimentaires bio !! Les 107 derniers exclus l’ont été selon deux critères dont l’un, l’absence du nom de l’organisme certificateur, est très contestable.
La polémique sur les bienfaits nutritionnels des produits issus de l’agriculture bio ne date pas de la publication de cette étude. L’intérêt croissant des consommateurs et des producteurs pour la bio explique les réactions virulentes des industries agroalimentaires chimiques et leur commande d’études « maison ».
Au-delà de la méthode bien peu scientifique qui consiste à éliminer les études dont les résultats contredisent le résultat souhaité, une première réponse est de rappeler que l’agriculture biologique a d’abord pour objectifs de préserver l’air, l’eau et les sols, de garantir le bien être animal, de favoriser la biodiversité, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et d’assurer un meilleur revenu aux paysans.
Mettre l’accent sur les seules qualités nutritionnelles des aliments c’est également omettre les graves conséquences des pesticides utilisés en agriculture conventionnelle sur la santé des agriculteurs et des consommateurs. Or l’avantage de l’agriculture biologique est justement de bannir l’utilisation de ces produits toxiques et de produire des aliments bio qui n’en contiennent pas contrairement aux aliments conventionnels : la moitié des fruits et légumes conventionnels contiennent des résidus de pesticides, dont 7,6% au-dessus des limites autorisées (LMR) par la Répressions des fraudes (DGCCRF).
Et c’est également oublier un peu vite les multiples études de chercheurs et d’organismes dont la probité ne peut être mise en cause et dont les conclusions sont pour le moins différentes de celles de cette étude. Citons, parmi les plus récentes :
les études synthétisées dans le rapport AFSSA de 2003, qui montrent que les produits bio tendent à présenter un meilleur profil nutritionnel pour certains micronutriments. Cela s’observe par des teneurs légèrement plus élevées en fer et en magnésium dans les végétaux ou encore une teneur supérieure en vitamine C dans la pomme de terre bio (Afssa, 2003) ( la vitamine C est un antioxydant produit par la plante lorsqu’elle est soumise à un stress oxydatif). D’après Denis Lairon, Directeur de Recherche à l’INSERM, si la teneur en antioxydants est nettement plus élevée, cela s’explique, « par le rôle actif de ces molécules dans le système de défense de la plante, particulièrement stimulée en agriculture biologique car la plante est plus soumise à un stress environnemental (restriction des traitements) ». Pour les légumes, la matière sèche est aussi plus élevée car les pratiques de culture sont moins intensives et utilisent moins d’eau. A noter également une teneur en polyphénols plus élevée dans les fruits et légumes bio (Les polyphénols sont des antioxydants naturels. Ils sont synthétisés par les plantes en cas d’attaques externes par des maladies ou des ravageurs).
Une étude comparée (2005) entre qualité nutritionnelle de la viande d’agneaux de bergerie produits en élevage biologique et conventionnel publiée par les chercheurs de l’INRA (Institut national de recherche agronomique) de Clermont-Ferrand et de Poitou-Charentes dont les conclusions sont les suivantes : « Le mode de production biologique comparé au mode conventionnel a induit des modifications des acides gras déposés dans la viande favorables à la valeur santé (baisse de la teneur en acide palmitique pro-athérogène (6.1%) et augmentation de 32.2% des teneurs en CLA (acide linoléique conjugué), à propriétés hypocholestérolémiantes et anticancéreuses) pour l’homme, sans changement des qualités bouchères et sensorielles ». Ces acides gras sont dits essentiels car ils ne sont pas produits par notre organisme. Le CLA permet de réduire les graisses corporelles tout en augmentant la masse maigre.
Des chercheurs de l’INRA d’Avignon ont étudié la relation entre les pratiques et les performances en production biologique et conventionnelle de pêches. Cette étude, menée en région Rhône-Alpes en 2004 et 2005, a montré que la qualité des fruits est liée au mode d’intensification : l’agriculture biologique, utilisant peu d’intrants, a un rendement moins élevé que l’agriculture conventionnelle mais produit des pêches plus sucrées et plus riches en polyphénols que les pêches conventionnelles ((147 mg/100g en AB contre 67 en conventionnel).
The Organic Center (TOC), un organisme de recherche américain sans but lucratif, a affirmé en 2008 que la nourriture biologique offre des qualités nutritionnelles en moyenne plus élevées de 25% par rapport aux aliments conventionnels. « Les chercheurs de l’Université de Californie expliquent qu’ils ont trouvé des niveaux élevés de nutriments organiques dans les tomates, le kiwi, le maïs et les fraises, en comparaison avec les aliments conventionnels » (cité par le magazine Health News.com).
Enfin, rappelons que la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire en mai 2007 à Rome, qui avait réuni quelque 350 participants issus de plus de 80 pays, de trois institutions des Nations Unies, de cinq institutions intergouvernementales, de 24 instituts de recherche, de 31 universités…., avait conclu que « l’agriculture biologique renforce la suffisance nutritionnelle, grâce à une diversification accrue des aliments biologiques, qui sont plus riches en micronutriments ». Elle avait également affirmé que « l’agriculture biologique peut atténuer les effets des nouveaux problèmes, comme les changements climatiques, grâce à des mesures comme la fixation améliorée du carbone du sol. Elle propose également des solutions pratiques en matière d’adaptation aux effets des changements climatiques ».
Effectivement cette perspective n’est pas pour plaire aux agro industriels qui savent bien que l’agriculture intensive contribue à 19% des émissions de gaz à effet de serre en France, auxquels il faut rajouter le transport des marchandises et la fabrication des engrais et pesticides. Alors, gageons que d’autres « études » très sérieuses viendront encore régulièrement tenter de décrédibiliser la bio.