Le 18 août 2005, la SARL Netultra(1) assignait la SA Coopérative
Ouvaton(2), en sa qualité d’hébergeur de sites web, conjointement à
monsieur Pierre Hyvrard, gestionnaire des pages mises en cause par
Netultra accessibles par : www.hyvrard.com/netpratique.
L’assignation visait des propos tenus par monsieur Pierre Hyvrard sur la
société Netlutra dont il avait été le client, sur son site internet et
dans des forums de discussion.
Estimant ces propos injurieux et diffamatoires, Netultra sollicitait des
condamnations et notamment, la suppression des propos incriminés.
Sans avoir sollicité de Ouvaton qu’elle intervienne sur les contenus, le
demandeur sollicitait que "le jugement soit déclaré commun à la société
Ouvaton".
La coopérative Ouvaton a immédiatement contacté le gérant de la société
Netultra pour préciser que si Monsieur Hyvrard était condamné et refusait
de s’exécuter, Ouvaton supprimerait les pages sur simple signification de
l’ordonnance à intervenir, ce qui rendait sa mise en cause, par demande de
jugement commun, injustifiée, ce que ne pouvait ignorer Netultra qui
exerce
la même activité d’hébergeur. Ouvaton a également attiré en vain
l’attention de Netultra sur l’incidence financière de cette mise en
cause.
Malgré ces échanges, la société Netultra a maintenu sa demande à
l’encontre d’Ouvaton, sans pour autant préciser ce qu’elle attendait
exactement de ce prestataire technique.
Dans le fond, la demande de la société Netultra, tendait vers une «
co-responsabilité » de l’hébergeur avec son client du fait des contenus
hébergés, allant donc au-delà de ce que prévoit la Loi pour la Confiance
dans l’Économie Numérique (texte dont certains aspects ont été fortement
contestés par Ouvaton comme par la plupart des acteurs de l’Internet et
de très nombreuses organisations de défense des libertés).
En effet, si selon cette loi les hébergeurs sont responsables si, informés
de la nature litigieuse des contenus, ils ne les suppriment pas ou ne font
pas en sorte d’en rendre l’accès impossible, encore faut-il que la
suppression ou une intervention soit requise...En outre, la jurisprudence
considère que c’est en premier lieu l’éditeur du site, en l’occurrence
clairement identifié et mis en cause, qui est responsable.
Or, en l’espèce, ni Pierre Hyvrard, ni les demandeurs, ne sollicitaient
qu’Ouvaton supprime les contenus.
En sollicitant que le jugement lui soit rendu commun, sans demander la
suppression des contenus à Ouvaton, Netultra se préservait de la
responsabilité liée à l’initiative de la suppression si elle était jugée
infondée, tout en se ménageant, si les contenus était au contraire jugés
illicites ou préjudiciables, la possibilité d’engager la responsabilité de
Ouvaton, qui ne les auraient pas supprimés.
Ouvaton risquait quant à elle, en supprimant les contenus alors que les
demandeurs ne sollicitaient pas son intervention, d’engager sa
responsabilité à l’égard de son client et en ne les supprimant pas,
d’engager sa responsabilité à l’égard des demandeurs.
Ouvaton a donc été contraint d’organiser sa défense et sa représentation
dans cette affaire.
L’affaire a été plaidée le 30 novembre 2005 devant la chambre des référé
du TGI de Meaux, Ouvaton y était représentée par Maître Livory, avocat au
barreau de Paris. L’ordonnance de référé, en date du 28 décembre 2005 a
été communiquée aux parties le jeudi 6 janvier 2006.
Suivant en cela les arguments produits par Ouvaton, le tribunal a débouté
la société Netultra de la totalité de ses demandes jugées mal fondées et
irrecevables. Les dépens ont été laissés intégralement à la charge des
demandeurs.
Pour autant, le Tribunal n’a prononcé aucune condamnation au bénéfice
d’Ouvaton sur le fondement de l’article 700 du NCPC, laissant à la charge
d’Ouvaton, les frais qu’elle a été contrainte d’exposer, sur la base d’une
motivation ouvrant une grande incertitude. Le jugement indique en effet
que
l’origine du litige provenant d’un client d’Ouvaton, il serait inéquitable
que le plaignant indemnise la coopérative pour la procédure. Comme si
Ouvaton était en quoi que ce soit responsable !
Cette ordonnance semble exhumer la théorie du « risque-profit » avancée
aux débuts d’Internet s’agissant de la responsabilité des intermédiaires
techniques du fait des contenus hébergés sur leur serveurs, alors que, en
l’espèce, le propriétaire du site est parfaitement identifié et mis en
cause, ce qui semble aller au-delà de l’intention du législateur.
Elle illustre les risques dénoncés lors de l’examen de la LcEN, pour les
hébergeurs, dont on attendrait qu’ils prennent, de fait, des mesures
proactives aussi permanentes qu’impossibles matériellement. Il est
particulièrement regrettable que le Tribunal n’ait pas sanctionné la
légèreté blâmable avec laquelle les demandeurs ont mis en cause Ouvaton et
l’ont obligé à exposer des frais. Cette décision n’est heureusement
qu’une
ordonnance de référé, dont la portée est relative et propre aux faits de
l’espèce.
Sans jamais émettre un avis sur les pages et propos incriminés par
Netultra, Ouvaton se félicite que la manoeuvre scandaleuse de la société
Netultra ait échoué et juge très sévèrement la démarche de ce collègue
hébergeur illustrant la vision particulière de ce prestataire de services
sur le droit de l’Internet Ouvaton ne regrette pas d’avoir pris les moyens
de faire reconnaître par la justice le caractère mal fondé et irrecevable
de la demande de la société Netultra.
La coopérative, soutenue en cela par ses sociétaires, estime en effet que
la vigilance juridique fait pleinement partie de son rôle et de son
histoire et qu’il aurait été irresponsable de prendre le risque d’une
jurisprudence aussi grotesque que l’attitude du plaignant.
Ce qui est dramatique, c’est que pour de basses raisons stratégico commerciales (Liquidation d’un concurrent, diffamations supposées, orgueil placé au niveau des chevilles, ...), le plaignant s’est lui même tiré une balle dans le pied (Ou a failli) pour lui et ses collègues, en appuyant encore un peu plus sur la corrélation entre l’herbergeur et l’hébergé...
Espérons que mes propos ne vailent pas à Ouvaton (Notre hébergeur) d’ennuis avec une société commerciale sans scrupules qui se reconnaitrait dans la précision de mon propos...
Terrible !