Une fois de plus l’État s’apprête à démanteler la jungle de Calais, nous pourrions nous en réjouir si cette évacuation correspondait à une réponse digne des pouvoirs publics à cette question qui nous est posée depuis des années. Hélas de nouveau la réponse est sécuritaire à court terme et ne fait que reporter les problèmes en les empirant pour cette population chiffrée à plus de 6 000 personnes si on y ajoute le site de Grande-Synthe.
La population de Calais est exaspérée et nous pouvons aisément la comprendre mais pensez-vous que ce soit vis-à-vis de ces publics migrants en grande détresse ou des responsables politiques incapables d’apporter une réponse satisfaisante et respectueuse de tous. L’État n’est pas resté inactif en proposant des solutions de centres d’accueil répartis sur tout le territoire national, en confiant à une association locale la gestion d’un centre d’accueil provisoire (camp de containers pour plus de 1 000 migrants) mais les engagements sont faibles et complétement sous-évalués.
Les seuls fonctionnaires sur le terrain sont des forces de police, imaginez-vous que l’ensemble des services est assuré par des bénévoles associatifs, des ONG en particulier le site de Grande-Synthe financé par Médecins sans frontières avec l’appui de la commune (rien de l’État). L’école au cœur du camp a été installée à partir de matériaux de récupération et de dons tout comme l’infirmerie les permanences de gynécologie, d’aide juridique ou la bibliothèque…, au niveau sanitaire seuls quelques WC de chantier sont dispersés dans le camp…. Nous sommes en France le cinquième pays le plus riche du Monde. Ils sont cinq à six mille ici, ils sont plus de 2 millions au Liban ou en Turquie dans des pays beaucoup plus pauvres que la France.
Quand les pouvoirs publics sont inexistants c’est la porte ouverte au développement d’une économie parallèle et même d’une mafia au détriment des plus faibles qui s’installent sur notre territoire.
Certains vous diront que c’est insoluble, que c’est un problème européen, que toute action peut entraîner un appel d’air, que l’Angleterre devrait changer de politique. Ils n’ont pas complètement tort mais devons attendre que ces aspects soient résolus pour traiter cette question ?
Il existe des solutions et certaines sont sur les bureaux des ministères concernés.
L’État doit réinvestir le campement et y assurer ou soutenir les services de base tels que l’école, le centre médical, l’antenne juridique, une permanence de demande d’asile, une prise en charge des enfants les plus fragiles, l’aide alimentaire, le ramassage des ordures…
Il faut remplacer les tentes inadaptées à nos climats, par des abris durs ou semi-durs en particulier pour les femmes et les enfants (sans doute plus de 480 mineurs), ouvrir des classes pour ces enfants premières victimes innocentes des conflits des adultes. Il faut créer des espaces de soins, de cuisine, d’hygiène, de mise à l’abri, des espaces de rangement pour les effets personnels.
Il faut impérativement créer des places d’hébergement en plus grand nombre sans abandonner l’objectif d’envoyer une partie de ce public dans des lieux répartis en France, mais ne nous cachons la vérité, tant que le tunnel est à Calais et que la grande majorité de ceux qui viennent de parcourir des milliers de kilomètres pour s’y rendre ne vont pas renoncer en étant à une trentaine de kms de leur destination rêvée tout au long de ce parcours si difficile et si dangereux où tant sont morts.
Alors un peu de courage, un peu de dignité, un peu de vision politique pourquoi pas un peu d’humanité, de compassion ou tout simplement de solidarité.
Liste des signataires :
Agnès b, Créatrice de mode
Nadia Bellaoui, Présidente du Mouvement associatif
Rachida Brakni, Actrice réalisatrice
Éric Cantona, Acteur
Patrick Doutreligne, Président de l’Uniopss
Xavier Emmanuelli, ancien ministre
Raymond Étienne, Président de la Fondation Abbé Pierre
Louis Gallois, Président de la Fnars
François Soulage, Président du Collectif associatif ALERTE
Philippe Torreton, Acteur