Pour 63% des salariés, le dialogue social en France est bon pour leur entreprise, mais 53% estiment qu’il va en se dégradant. Le premier rapport annuel d’Apicil et d’Humanis sur l’état du dialogue social en France dresse un bilan contrasté et éclairant à l’heure où le débat public se saisit avec force de la question de la réforme du Code du travail.
Réalisé sous la direction de Marc Ferracci, professeur à Sciences Po Paris, ce rapport annuel adopte une approche inédite qui combine à la fois des données statistiques, des entretiens qualitatifs et un sondage exclusif pour retracer une image fidèle à contrecourant des clichés et une analyse thématique des relations entre dialogue social et développement économique des entreprises.
Un dialogue social intense, constructif et globalement bien perçu
Avec 951 accords de branche et 36 500 accords d’entreprises, le dialogue social en France [1] reste intense et constructif, mais l’évolution des thèmes de négociation est marquée par le contexte économique et social.
Au niveau des branches, on note une hausse des accords sur l’égalité professionnelle homme-femme (+10%) et une augmentation de 14% des accords sur la protection sociale, mais un recul des accords sur les salaires (-12%).
Au niveau de la négociation dans les entreprises, le nombre d’accords est globalement en diminution de 9%, mais tandis que les accords en matière de protection sociale connaissent une forte hausse notamment en raison de la généralisation de la complémentaire santé (+40%), les négociations sur le thème de l’emploi diminuent (-30%).
En termes qualitatifs, le dialogue social est d’ailleurs majoritairement bien perçu puisque 63% des salariés le jugent positivement selon un sondage Humanis / Odoxa [2] . Ces derniers estiment d’ailleurs à 58% que le dialogue social permet de réduire les problèmes et d’améliorer la vie au travail.
Mais les avis divergent sur son efficacité et son évolution : 67% des chefs d’entreprise pensent que le dialogue social va en s’améliorant alors que 53% des salariés considèrent qu’il va en se dégradant.
De même, 54% des chefs d’entreprise estiment que ce dialogue est constructif contre seulement 31% des salariés.
Des grèves moins fréquentes mais plus longues
A contre courant de certaines idées reçues, cette vitalité du dialogue social se déroule dans un contexte de forte diminution de la conflictualité et des mouvements sociaux comme dans les autres pays industrialisés. Aujourd’hui, moins de 1% des entreprises connaissent des mouvements de grève chaque année. Par contre dans les entreprises de plus de 500 salariés ce pourcentage s’élève à 29%.
En revanche, lorsque des conflits interviennent, les grèves sont plus longues et plus suivies.
Elles se concentrent autour des questions d’emploi et de rémunération particulièrement dans certains secteurs comme le transport ou le commerce alors qu’elles sont exceptionnelles dans les autres secteurs.
Un lien positif entre dialogue social et développement économique des entreprises
La partie thématique du rapport annuel est consacrée à l’impact du dialogue social sur le développement économique des entreprises à partir d’une revue des analyses académiques et des expertises internationales :
Quel est l’impact du dialogue social sur l’emploi, les salaires et la productivité ?
Le dynamisme de la négociation collective est-il synonyme d’efficacité économique ?
Au niveau international, un dialogue social de qualité favorise la réduction de la conflictualité. Il contribue également, à l’amélioration des conditions de travail, favorise l’accès à la formation professionnelle et participe à la réduction des écarts de salaires.
Toutefois, la France se caractérise en moyenne par un moindre impact de la négociation collective sur le niveau des salaires et par une moindre qualité du dialogue social informel entre les managers et leurs collaborateurs.
L’enquête conduite montre que pour 83% des salariés, le dialogue social idéal devrait être d’abord constructif. 27% le perçoive plutôt revendicatif et 27% plutôt conflictuel.
La construction de la confiance est au cœur des enjeux du dialogue social en France tant au niveau des instances formelles que dans les relations managériales. Le développement de relations sociales de confiance doit permettre de faire du dialogue social un atout économique favorable au développement économique des entreprises.
« Grâce à ce rapport riche d’enseignements, Apicil et Humanis espèrent contribuer à améliorer encore la qualité et les résultats du dialogue social. La construction de relations de confiance entre les partenaires sociaux est en effet un investissement d’avenir pour les entreprises. Le dialogue social est un facteur de progrès au sein des entreprises et des branches professionnelles. Il est aussi l’un des piliers de notre système de protection sociale », ont déclaré Jean-Pierre Menanteau et Philippe
Barret, directeurs généraux de Humanis et Apicil
Méthodologie
Réalisé sous la direction de Marc Ferracci, spécialiste de l’économie du travail et des relations sociales et professeur d’économie à Sciences Po paris et à l’Université Panthéon-Assas et membre affilié de la Chaire « Sécurisation des parcours professionnels » ENSAE-Sc.Po, ce rapport s’appuie sur des données internationales
de l’OCDE, des statistiques nationales (notamment de la DARES), des travaux de recherche, des entretiens qualitatifs avec les acteurs du dialogue social et un sondage exclusif Odoxa-Humanis .
La première partie établit un tableau de bord avec les principaux résultats des négociations sociales et les grandes tendances qui se dégagent.
La seconde partie se veut être une boussole qui donne le sens autour d’une question d’actualité qui porte en 2015 sur les relations complexes entre dialogue social et développement économique des entreprises : quel est l’impact du dialogue sur les salaires, l’emploi, la formation professionnelle, la conflictualité, etc. Comment ces éléments pèsent sur la productivité et la performance économique des entreprises ?
[1] Chiffres 2014 DARES (statistiques les plus récentes disponibles) dans L’état du dialogue social en France 2015 publié par Humanis et Apicil
[2] Le sondage exclusif réalisé pour Humanis par Odoxa s’est déroulé du 16 au 29 septembre auprès d’un échantillon de 999 personnes représentatives de la population des chefs d’entreprise et d’un autre échantillon représentatif de 1 002 salariés. Il est consultable sur www.humanis.com