Alors que l’ouragan Gustav est en train de menacer le Sud des États-unis rappelant que les impacts des dérèglements climatiques se font de plus en plus pressants, la Commission Industrie, Recherche et Énergie (ITRE) du Parlement européen s’est alignée hier soir sur les demandes des lobbies automobiles européens concernant la réglementation sur les seuils d’efficacité énergétique des véhicules neufs mis sur le marché en Europe. Après une attitude en demi-teinte la semaine dernière lors des négociations internationales sur le climat (UNFCCC), l’Union Européenne (UE) montre encore une préoccupante absence de détermination pour répondre aux enjeux climatiques.
Hier soir, la commission industrie s’est prononcée sur la proposition de réglementation des seuils d’efficacité énergétique des véhicules neufs mis sur le marché européen faite par la Commission. Le texte de la Commission proposait qu’en moyenne, les voitures neuves vendues en Europe émettent en 130 g CO2 par Km en 2012. Les automobiles représentent à elles seules 12% des émissions de CO2 de l’Union, pour les ONG environnementales ce choix est insuffisant. Si l’on veut que l’Europe soit en pointe dans la lutte contre les dérèglements climatiques, l’objectif doit être de 80 g le plus tôt possible.
Déjà insuffisant, le texte de la commission a été affaibli par les amendements de la Commission industrie (ITRE) qui proposent :
1/ Un « phasage » progressif dans l’application des seuils d’émissions jusqu’en 2015 avec un objectif de 60% en 2012 pour aboutir à 100% en 2015. Selon une étude menée par l’Institut sur les Politiques environnementales de l’Union européenne ce choix aboutirait à repousser la mise en oeuvre de la réglementation et à perdre un temps précieux.
2/ L’accent sur l’introduction d’éco-innovations (information du conducteur pour changer de vitesse moment opportun, pneus, etc) dont l’efficacité énergétiques est souvent difficile à évaluer.
Pour Joachim Broomberg, du RAC-F, « ces éco-innovations risquent de détourner les constructeurs des mesures réellement efficaces en terme de réduction de CO2 comme la forme et le poids des voitures ou l’efficacité des moteurs ».
3/ Des pénalités très faibles pour les constructeurs qui ne répondent pas aux seuils fixés par la réglementation. Cette proposition de la commission ITRE d’affaiblir les seuils d’émission de CO2 fait suite à une publication d’un rapport rédigé par Transport & Environment la semaine dernière qui montre pourtant que certains constructeurs réalisent de gros progrès dans l’efficacité énergétique des véhicules. A titre d’exemple, BMW AG a réduit ses émissions de CO2 de 7,5 % l’an dernier. Il faut rappeler que la réduction des émissions de CO2 est directement proportionnelle à l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules
Alors que d’un sondage réalisé dans 5 pays européens et publiés la semaine dernière montre que l’opinion publique est massivement en faveur de mesures imposant aux constructeurs automobiles une réduction de 25% de la consommation de carburant des véhicules mis sur le marché, les choix faits hier montrent qu’un fossé est en train de se créer entre les attentes des citoyens et les décideurs politiques. (Voir le communiqué de presse avec résultats en français : www.rac-f.org/article.php3?id_article=1418)
Stéphen Kerckhove (Agir pour l’Environnement) commente : "Même les constructeurs "haut de gamme" peuvent réaliser de grosses réductions dans les émissions de CO2, s’il y avait une réglementation forte qui les y poussait. Si la menace de seuils stricts et significatifs est levée, les constructeurs, n’auront aucune raison de ne pas poursuivre sur la même lancée que depuis 100 ans, c’est à dire produire des voitures plus lourdes, plus puissantes et plus émettrices de CO2. C’est aux députés de la commission environnement et aux ministres de l’environnement européen de maintenir la pression afin d’assurer que des innovations en faveur de véhicules plus économes en carburant arrivent rapidement sur le marché.
« On évoque en France, l’idée d’un bonus-malus généralisé pour aider au développement d’une offre de produits respectueux de l’environnement. Mais pour que cela marche, il est indispensable que le cadre européen soit ambitieux sinon cela ne servira rien. » souligne Serge Orru, directeur général du WWF-France.
La Commission environnement du parlement européen, commission leader sur le sujet, votera le texte le 9 septembre, et les ministres de l’environnement de l’UE des 27 discuteront de la proposition en octobre. « Si ces propositions de la commission ITRE ne sont pas contrecarrées par la Commission ENVI (environnement) puis par les Ministres de l’Environnement de l’UE, cette réglementation sera totalement vidée de sa substance », conclut Joachim Broomberg du Réseau Action Climat-France.