En vue de l’examen demain mercredi 14 octobre, par la commission des lois du Sénat, de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des multinationales, le rapporteur Christophe-André Frassa (Les Républicains) a déposé une « motion préjudicielle ». Si elle était adoptée, cette motion pourrait suspendre les débats sur ce texte jusqu’à l’adoption d’une directive européenne sur le sujet [1]. Nos associations s’indignent du recours à une telle procédure qui entrave le débat démocratique et a pour objectif pur et simple d’enterrer une proposition de loi progressiste visant à prévenir les violations aux droits humains et à l’environnement commises par les entreprises multinationales.
Après deux ans d’intenses pressions de différents acteurs pour que cette proposition de loi ne voie pas le jour, c’est une procédure exceptionnelle qui vient maintenant d’être utilisée par le rapporteur républicain pour bloquer l’examen de ce texte par le Sénat. Si elle était adoptée, cette motion empêcherait en effet toute discussion sur le fond du texte [2] .
Les arguments évoqués pour justifier cette motion n’ont aucun fondement solide. En effet, à l’instar de ce qui a été opposé lors de l’audition de nos associations par le rapporteur, ce dernier invoque un soi-disant risque en termes de compétitivité des entreprises françaises. Or, il n’existe aucun élément illustrant de manière tangible ce risque présumé. Surtout, la recherche de la compétitivité ne peut se faire au détriment des droits humains et de l’environnement.
Par ailleurs, faire suspendre les discussions sur une loi française à l’adoption d’une directive européenne n’a pas de sens. La France est loin d’agir seule en la matière : des initiatives similaires ont été engagées par des pays voisins. Par, ailleurs des négociations sont en cours à l’ONU en vue d’élaborer un traité international contraignant sur les multinationales et les droits humains.
Nos associations appellent les Sénateurs à rejeter cette motion préjudicielle dès demain en commission des lois, puis la semaine prochaine lors de l’examen en plénière le 21 octobre prochain. Si la motion était adoptée, seule une nouvelle inscription à l’ordre du jour par le gouvernement permettrait que le texte soit à nouveau discuté. Il est primordial que le débat démocratique puisse suivre son cours.
Membres du FCRSE : Collectif Ethique sur l’étiquette, Amnesty International, Les Amis de la Terre, CCFD Terre solidaire et Sherpa
[1] N’existant qu’au Sénat, cette procédure a pour objet « de subordonner un débat à une ou plusieurs conditions en rapport avec le texte en discussion et dont l’effet, en cas d’adoption, est de faire renvoyer le débat jusqu’à réalisation de la ou desdites conditions ». Dans les faits, cette procédure, très exceptionnelle, serait utilisée par les Sénateurs comme un moyen d’enterrer une proposition de loi. L’adoption de cette motion empêcherait en effet son retour en deuxième lecture à l’Assemblée nationale
[2] Cette proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 30 mars dernier. L’examen en plénière est prévu pour le 21 octobre au Sénat. Voir notre communiqué de presse lors de l’adoption à l’Assemblée nationale