A quelques jours de l’ouverture de la 21 ème conférence mondiale pour le climat et alors que de nombreuses initiatives ont été portées par l’ESS pour faire connaître d’autre voies, il nous a semblé important de rappeler le projet et l’apport de l’ESS au regard de cet enjeu.
Osons, enfin, considérer le dérèglement climatique principalement comme la répercussion d’un dérèglement sociétal. Ou plus exactement, considérons la trop lente prise en compte du dérèglement climatique comme la conséquence d’une croissante déréglementation sociétale : les structures et les organisations sont mondialisées, les personnes sont connectées à celles de l’autre bout du monde.
Dans le même temps, ces mêmes acteurs sont opposés par les concurrences, morcelés par une gestion normative, déconnectés de leurs territoires, dissociés de leurs homologues de proximité et découplés des conséquences de leurs actes, de leurs achats, de leur « pouvoir d’achat », des répercussions de leur système de priorités et de temporalités.
Tout est pourtant lié et relié. Ainsi, l’économie, apparaît à la fois comme un facteur majeur de dérèglement sociétal et climatique ou comme un levier de cohérence, d’éducation et de solidarité au service de l’humanité.
Ainsi, parce que l’ESS est avant tout caractérisée par des regroupements de personnes (et non de capitaux) créant et conduisant collectivement des projets dans lesquels l’économie est un moyen et non une fin, dans lesquels l’économie est un levier de développement cohérent des personnes et des territoires, de nombreux acteurs de l’ESS ont trouvé, trouvent et trouveront des solutions qui répondent aux enjeux climatiques.
Les moyens financiers sont souvent pointés comme principaux freins, voire obstacles infranchissables, à la prise en compte des enjeux sociétaux et climatiques. Ce n’est pas le cas et nous pouvons le prouver au travers de l’exemple des organisations de l’ESS.
Pour celles dont les moyens financiers sont très contraints, le contexte économique tendu pousse bien souvent à l’ingéniosité et à l’économie de moyens. L’organisation est alors poussée à favoriser un mode de production basé sur la réutilisation versus la consommation, la mutualisation versus l’individualisation (et nous posons là une différence claire avec l’économie du « partage » qui ne saurait être considérée comme un progrès social), l’achat de proximité en troc ou coopération territoriale versus la sous-traitance délocalisée à faibles prix mais fort impacts sociaux et climatiques. Ces rouages agissant sur la réduction des transports (grandes distances et petites distances), la vitesse de transport (rapide par avion ou lent par bateau ou ferroutage) la réduction ou limitation des énergies fossiles, la gestion vertueuse des déchets. De plus, la nécessaire polyvalence des personnes engagées dans ce type d’organisations, souvent associatives, agit comme vecteur de prise de conscience globale et de co-éducation.
Pour les organisations financièrement aisées, les modes de répartition et de mise en réserve des bénéfices propres à l’ESS permettent, entre autres enjeux vertueux, d’entretenir un autre rapport au temps et à l’argent : en considérant des aménagements de départ comme des investissements de long terme, l’organisation pose une cohérence entre projet et économie. Prenons l’exemple du siège social d’une coopérative d’optique : la mise en place d’un système de modération énergétique éteint les éclairages lorsqu’une non-présence prolongée est détectée. Ce dispositif permet d’agir concrètement sur le budget de fonctionnement et sur les enjeux climatiques.
Autre exemple dans une autre coopérative, où le changement de mode de production passant du titre service papier à la dématérialisation, sur plusieurs années, n’a entraîné aucun licenciement.
Ces organisations, parce qu’elles ont choisi un mode d’entrepreneuriat a-capitaliste se donnent les moyens d’être innovantes sociétalement et environnementalement.
Des leviers d’actions et les initiatives déjà bien installées dans l’ESS ne manquent pas : la démarche la plus intuitive, incarnée et dynamique, a été initiée par le collectif Alternatiba. Le mode de construction collectif et décentralisé de ce projet a permis de valoriser une multitude d’initiatives et de solutions sur notre territoire tout en éduquant les acteurs et les visiteurs à un changement de mentalité et de mode d’action. Une très pertinente initiative fruit d’une anticipation de plusieurs années avant la Cop 21.
Dans un registre plus techno, Le Lab de l’ESS propose un "kit à agir" via une plateforme séduisante et interactive. Lancée en octobre via la campagne "1000 structures de l’Ess s’engagent" elle livre, en quelques clic, des idées d’engagements simples, pouvant donner envie de mettre en place une action concrète à ceux qui ne s’étaient pas senti en mesure de le faire.
Concrètement, et sans angélisme, nous savons tous qu’au-delà du projet de nos organisations et du sens, de l’utopie qui guide nos projets, le véritable facteur de transformation et de responsabilité est le mode de réalisation du projet, la « façon » au sens artisanal, car humain. Le questionnement sur la cohérence entre le fond et la forme, entre les moyens de production et les objectifs, entre le contexte, les idées et les actions, est la clé d’un projet transformant qui agit vertueusement localement et globalement. L’ESS a les moyens culturels et les leviers structurels pour être un acteur majeur de changement. C’est une question de volonté, d’intelligence et de pragmatisme. Nous vous invitons d’ailleurs à acheter le numéro d’Alternatives Économiques de novembre pour vous éclairer sur les liens entre économie et climatologie.
En cette période tragique où notre fronton "liberté égalité fraternité" est porté bien au-delà de nos frontières, nous proposons la synergie "Démocratie, Éducation, Solidarité" comme message de l’ ESS aux enjeux de la COP 21 et plus largement à une humanité éclairée.
Le conseil d’administration de Ressources Solidaires