Q1 : Le mois de l’ESS se termine sur un succès d’initiatives et de fréquentation. L’ESS s’est approprié novembre pour communiquer. Ressentez vous la progression du sentiment d’appartenance à ce mouvement, des acteurs de l’ESS ? L’adhésion semble dépasser les clivages habituels des familles ?
En effet, le cru 2013 du MOIS de l’ESS a été bon avec un nombre de manifestations aussi important que celui de 2012 mais avec des manifestations plus suivies.
On sent bien l’intérêt pour l’ESS grandir, mais il reste encore du chemin à parcourir en particulier en direction du grand public.
Certains acteurs qui n’avaient pas conscience de leur appartenance à l’ESS sont, aujourd’hui, plus proches, plus en phase avec ce que représente cette autre forme d’économie.
Il est probable que le fait d’avoir un Ministre dédié et qu’une loi sur l’ESS soit programmée sont deux éléments importants de cette évolution.
Mais cela présente le risque de voir apparaître de plus en plus d’entreprises se réclamant de l’ESS parce que cela est dans l’air du temps. Il y a lieu de rester vigilant pour que l’ESS -qui doit nécessairement évoluer- ne perde pas ce qui la caractérise : une économie aux finalités humanistes.
Si cette adhésion à ce qu’est l’ESS est plus large que par le passé, il est évident que cela ne doit pas rester qu’un phénomène de mode qui pourrait disparaître dès lors qu’une autre forme économique prendrait le pas dans les médias.
Economie de proximité, économie circulaire, économie positive, économie participative, ... sont autant de formes d’économie sociale et solidaire qui ne doivent pas occulter ce que représente cette dernière comme forme économique en lien avec les Hommes et non ancrée dans la recherche du gain financier à tout prix.
Q2 : Le public reconnaît les initiatives et innovations mais semble perplexe sur l’identification réelle des acteurs. Pensez vous que le projet de loi en cours de discussion au parlement va permettre de clarifier ? L’introduction de critères impossibles à vérifier pour une personne extérieure à l’organisme, dans la définition de l’ESS (entreprise solidaire d’utilité sociale) ne va t elle encore plus brouiller le regard ?
Cette question est au cœur des évolutions de l’ESS. En effet, le Ministre souhaite que la loi sur l’ESS soit inclusive, mais l’entrée d’entreprises dont les statuts ne sont pas ceux des entreprises de l’ESS a amené un certain nombre d’interrogations quant au respect des principes et valeurs qui sont les fondements de l’ESS. Il y avait risque d’un certain entrisme d’entreprises qui pourraient se revendiquer de ce champ économique sans en respecter ce qui le fonde.
C’est pourquoi, dans le cadre de la co-construction de cette loi, acteurs comme Etat ont voulu un article premier à la fois ouvert en acceptant des entreprises non statutaires de l’ESS et strict en indiquant que ces entreprises doivent respecter des critères précis.
Pour être reconnue comme appartenant à l’ESS, les entreprises devront se déclarer auprès d’une autorité missionnée pour ce faire. Les discussions encore en cours portent sur la structure qui aurait à remplir ce rôle. Les acteurs de l’ESS souhaitent que ce soit auprès de leurs pairs, mais il semblerait que l’Etat privilégie des structures auprès desquelles les entreprises sont obligées de se déclarer (les centres de formalité des entreprises). Cela crée une véritable ambiguïté qui méritera d’être corrigée et cela risque, en effet, de brouiller le regard. L’ouverture faite en direction des CRESS qui pourront ester en justice et qui auront à tenir un registre des entreprises de l’ESS peut être un début de réponse, mais encore insuffisant.
Les acteurs de l’ESS demandent que soit inscrite dans la loi une révision quinquennale pour les entreprises de l’ESS permettant de vérifier la tenue des principes de l’ESS par ces entreprises. Des propositions ont été faites en ce sens.
Q3 : La vision "territoire" est une vision horizontale dans un secteur qui est surtout structurée par branche, donc verticalement. Y compris dans le débat sur le projet de loi, les tenants d’une vision verticale bataillent fermés, surtout sur le rôle important donné potentiellement aux CRESS. Le mois de l’ESS est pourtant la preuve de la pertinence de l’approche horizontale, voire transversale. Avez vous bon espoir ? Comment soutenir cet effort quand on est un acteur de terrain ? Quelle place pour les petites structures dans les CRESS ?
Cette apparente dichotomie entre structures verticales et horizontales ne devrait pas exister puisque les CRESS sont composées de tous les acteurs de l’ESS dans les territoires, et particulièrement les représentants des différentes branches nationales.
De ce fait, il y a à rechercher comment les deux approches peuvent se compléter.
Les CRESS s’orientent vers une organisation prenant en compte toutes les entreprises de l’ESS, qu’elles appartiennent à de grandes organisations de l’ESS au plan national ou qu’elles soient de petites structures de l’ESS.
La sortie de la loi sur l’ESS amène des échanges entre la vision horizontale et la vision verticale. Je pense que l’ESS est avant tout pertinente dans sa présence territoriale car elle correspond bien à ce qui la définit. Mais il est évident que certains grands acteurs de l’ESS ont une organisation de leur métier qui réclame une structuration verticale car correspondant aux marchés sur lesquels ils se développent (national voire international).
C’est un chantier important et qui doit permettre un développement harmonieux de l’ESS au bénéfice de tous.
Jean-Louis CABRESPINES
Président CNCRES