Quand l’ESS peut inspirer la transformation des entreprises

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Quand l'ESS peut inspirer la transformation des entreprises

Le débat sur la nécessaire transformation des entreprises pour être au rendez-vous des transitions écologique et sociale bat son plein. Tant mieux. Ce débat est structuré par un objectif commun : la nécessité de répondre à l’urgence. Il s’accompagne d’interrogations légitimes quant à la méthode à retenir pour être efficace et à la hauteur des enjeux, tout en évitant les écueils du social ou greenwashing. Nous sommes des acteurs de ce débat et voulons y apporter une contribution, afin d’affirmer les convergences possibles et nécessaires entre l’ESS et les entreprises en recherche d’impact social et environnemental. Par Jérôme Saddier, président d’ESS France ; Pascal Demurger et Julia Faure, candidats à la co-présidence du Mouvement Impact France

La longue histoire de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) est celle d’une conquête permanente sur le conformisme économique : refus de la course effrénée au profit, confiance dans une citoyenneté active, priorité à des projets collectifs et démocratiques, promotion d’une utilité sociale et environnementale au travers des activités exercées. Depuis deux siècles, l’ESS n’a jamais cessé de se développer, d’inventer et d’apporter au monde une contribution positive.

Elle l’a fait malgré les conservatismes, les obstacles, parfois l’indifférence, jusqu’à obtenir une reconnaissance fondée sur une définition inscrite dans la loi française, et désormais transposée au niveau européen et international. C’est désormais le ciment de l’ESS et de son organisation représentative ESS France, qui fédère et représente plus de 200.000 acteurs ayant en commun les mêmes raisons d’agir au travers d’une grande diversité d’activités qui sont au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens.

À cette diversité d’activités, souvent pionnières et inscrites dans le domaine concurrentiel, s’ajoute celle de statuts d’entreprises spécifiques : associations, coopératives, fondations et mutuelles, qui sont régies par des principes communs, mais aussi, depuis la loi Hamon de 2014, des sociétés commerciales qui choisissent de se doter des mêmes principes de fonctionnement de l’ESS. Cette différence revendiquée est un trésor, et la preuve que nous sommes capables de construire des formes d’action et d’entrepreneuriat qui s’appuient sur des principes exigeants. Des entreprises qui pensent en même temps développement économique, innovation et cohésion sociale, transition écologique.
Ambition transformatrice

Dans un monde en crises, mais aussi en transition, ce trésor doit plus que jamais rayonner. Rayonner par son exemplarité, ses choix exigeants et structurants. Rayonner aussi par son ouverture, sa capacité à influencer le reste de l’économie et à rallier des nouveaux entrepreneurs. Rayonner enfin par son ambition transformatrice.

À ce titre, l’enjeu de l’extension du champ de l’ESS est stratégique, pour aller bien au-delà des 14% de l’emploi salarié privé qu’elle représente. Il peut s’incarner aussi bien par la transformation de sociétés commerciales en entreprises de l’ESS, que par un développement soutenu de ces dernières. Il y a besoin pour cela de politiques publiques plus ambitieuses, et d’investissements résolus dans ces entreprises de l’ESS qui échappent à toute logique spéculative. C’est notamment la responsabilité des grandes entreprises de l’ESS, elles-mêmes investisseuses, que de parier sur l’ESS.

Un autre enjeu est celui de la transition d’entreprises à but lucratif qui souhaitent se transformer au moyen de politiques exigeantes en matière d’impact. C’est le projet du Mouvement Impact France (MIF) qui n’entend pas dénaturer l’ESS (dont il soutient la définition), mais qui propose d’orienter une révolution profonde dans le monde des entreprises conventionnelles. À cette fin, il fédère aussi bien des entreprises de l’ESS (et il adhère à ce titre à ESS France) que des entreprises à but lucratif qui sont à des stades divers de leur transformation. Le MIF partage donc la fierté pionnière de l’ESS, mais considère comme essentiel face à l’urgence écologique et sociale le mouvement qu’un nombre croissant d’entreprises capitalistes a engagé pour intégrer des préoccupations sociales et écologiques, et pour chercher à concilier rentabilité et impact positif. Sa mission est de les accompagner et de les représenter.
Chacun comprend bien que tout ne se vaut pas

Chacun sait dénicher les opérations de social, green ou encore purpose washing qui finissent toujours par se retourner contre leurs auteurs. Personne en revanche ne comprendrait que l’ESS ne cherche pas à inspirer la transformation écologique et sociale de l’économie, et à changer la « norme entrepreneuriale ». Personne ne comprendrait non plus que celles, notamment parmi les jeunes entreprises sociales, qui veulent en même temps entreprendre et changer le monde, ne trouvent pas la maison commune qui accompagnera leur développement.

Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui ont déjà rejoint les réseaux nationaux et territoriaux d’ESS France, ou qui s’apprêtent à le faire par attachement aux principes de l’ESS : la porte leur est grande ouverte. D’autres recherchent une convergence forte autour de politiques d’impact social et environnemental, indépendamment de la forme entrepreneuriale qu’ils ont choisie : le MIF leur tend la main. Ces deux voies sont légitimes dès lors qu’elles reposent sur la clarté, et qu’elles n’obèrent pas la possibilité de collaborer, y compris pour faire entendre ensemble dans le dialogue social, en complémentarité de l’UDES, une voix différente de celle du patronat conventionnel.

C’est dans cet état d’esprit partagé que nous concevons notre action, et à partir d’une même inspiration : celle de l’ESS. Être à la hauteur du Siècle, c’est prendre le monde tel qu’il est pour mieux le transformer. Les voies que nos organisations ont choisies sont différentes, mais complémentaires. Construisons ensemble ce pont vers le monde de demain.

Jérôme Saddier, Pascal Demurger et Julia Faure

Source : La tribune du 22/05/2023

Tous les commentaires

26-05-2023 par Guillaume

Post linkedin de Jérôme Saddier du 25/05/2023

Félicitations à Julia FAURE et Pascal Demurger pour leur élection à la co-presidence du Mouvement Impact France après un débat vif.

Notre tribune commune parue mardi a le mérite de baliser un chemin qui reste à tracer, et qui à ce stade s’incarne dans deux projets distincts qui peuvent et doivent converger vers un seul objectif : transformer profondément l’économie en s’appuyant sur la mutation des entreprises et sur la citoyenneté économique.

Celui d’ESS France d’une part, pour une ESS en dynamique, au périmètre de missions et de membres à élargir. Une #ESS dont les organisations qui s’en réclament doivent honorer concrètement la déclaration d’engagement de l’ESS adoptée en décembre 2021, que ce soit pour mieux rendre compte de l’application des principes légaux qui la fondent, ou pour agir résolument sur des points controversés comme le management dans nos organisations et la transparence et l’objectivation des rémunérations des dirigeants. Ce sera l’enjeu principal de l’AG que nous réunirons le 15 juin prochain afin de tracer une feuille de route collective.

Celui du Mouvement Impact France d’autre part, qui fait le choix de l’élargissement pour provoquer une émulation positive autour d’une démarche d’impact, qui cependant ne peut et n’a jamais prétendu résumer et encore moins définir l’ESS. Car la non-lucrativité, la citoyenneté active et la recherche intentionnelle de notre utilité sociale et collective, sont au cœur de modèles bien spécifiques qui ne sont pas solubles dans le fonctionnement du capitalisme.

Il est souhaitable que tout ceci converge, y compris par la confrontation des arguments et des idées, afin d’inspirer et orienter une transformation profonde de l’ensemble des entreprises. A condition de veiller au collectif qui nous unit, et de nous mettre en conquête.

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