Pourtant, des millions de citoyens sont adhérents de mutuelles, de coopératives et d’associations, c’est-à-dire des composantes mêmes de ce secteur. Son absence de visibilité traduit la réticence de ses responsables à proposer l’économie sociale comme une solution de rechange au modèle libéral...
Par JEAN-LOUP MOTCHANE
Professeur à l’université Paris-VII.
Qu’y a-t-il de commun entre le Crédit agricole, banque qui gère quelque 1 000 milliards de francs, via 15,5 millions de comptes, et le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, dont les effectifs sont de 49 personnes ? Rien, sinon d’appartenir à un même secteur, celui dit de l’« économie sociale ».
L’économie sociale plonge ses racines jusqu’au Moyen Age (1). Les guildes, confréries et jurandes, corporations et compagnonnages constituent ses lointains ancêtres. Apparu au XIIIe siècle, le compagnonnage restera, sous l’Ancien Régime, la forme principale d’organisation des ouvriers professionnels français, et il a survécu jusqu’à aujour d’hui. Cependant, les philosophes des Lumières verront dans les corporations une entrave à la liberté individuelle et la Révolution française refusera toute légitimité aux corps intermédiaires entre l’individu et la nation.