On peut se réjouir de la constitution, auprès d’Alain Juppé puis de Jean-Louis Borloo, d’un grand ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables. C’est le signe d’une prise en considération de notre environnement naturel, des menaces qu’il subit, de son implication dans toutes les activités humaines. La préparation d’un Grenelle de l’environnement apparaît également comme une promesse de traiter l’ensemble des problèmes ; et il est bon qu’ils soient approfondis, au préalable, au sein de six groupes de travail dont la composition comprend des sensibilités très diverses.
Il est frappant toutefois que ces travaux préparatoires ne fassent pas de place explicite à une réflexion sur la relation, la compatibilité entre l’ambition du développement durable et la représentation la plus courante de l’économie : dopée par les nouvelles technologies, la mondialisation et la déréglementation des échanges, et la surmultiplication des flux monétaires, celle-ci apparaît comme orientée avant tout vers l’efficacité financière, la compétitivité, le profit ; et cette représentation est portée par un puissant mouvement d’opinion ; celle des chefs d’entreprises qui voient dans toute disposition fiscale ou réglementaire contraignante un frein, un risque de perdre des marchés et qui dénoncent les mesures les plus élémentaires de taxation, de prévention, de contrôle, comme des coups portés à la croissance et à l’emploi. Opinion soutenue par l’ensemble des médias qui suscitent le désir et les réflexes des consommateurs fascinés par la publicité et par le reportage des pratiques ostentatoires des « élites ». Ainsi se diffuse un fétichisme de la marchandise qui privilégie l’avoir immédiat au bien être durable.