Les associations françaises sont de plus en plus confrontées à la généralisation des appels d’offres de la part des pouvoirs publics (collectivités et Etat), soit en raison de leur extension progressive à de nouveaux domaines, soit par une logique supposée de « précaution » juridique. C’est le cas lorsqu’une convention ou le simple versement d’une subvention sont juridiquement contestés et requalifi és en convention de prestation de services. Sur ce sujet, l’Etat envoie depuis quelques temps des signaux d’évolution inquiétants pour les associations à l’image du rapport « Langlais » remis en août dernier à la Ministre en charge de la vie associative, Roselyne Bachelot Narquin.
Des conséquences graves pour la vie associative
Les exemples mis en avant par la CPCA (Cf. page 2) témoignent d’une banalisation certaine du fait associatif en lui appliquant les mêmes règles qu’aux sociétés commerciales. Cette généralisation de la commande publique touche les fondements mêmes de la vie associative. Si il faut 10 ans pour construire un vrai réseau de bénévoles, il suffit en effet de quelques mois pour le faire disparaître. La logique gestionnaire induite par la commande publique menace ces réseaux de sociabilité et de convivialité essentiels à la cohésion sociale. De plus, une telle évolution pousse les associations à entrer en concurrence entre elles sur les territoires. La logique purement économique de survie financière aboutit à une concentration des opérateurs, sans égard pour la diversité des projets et des territoires. C’est donc les capacités d’innovation, d’adaptation, de coélaboration et d’expérimentation des associations qui sont remises en cause. Qu’en sera-t-il des activités qui ne rentreraient pas dans la commande ?
L’extension du champ concurrentiel remet en cause les spécificités des associations concourrant à l’intérêt général sur les territoires de vie et d’emploi (mixité des publics, bénévolat et multiplicité d’acteurs au service de la mise en oeuvre du projet associatif, non lucrativité, etc.)
Cette extension interroge également sur la place des associations dans l’élaboration, la mise en oeuvre des
politiques publiques et sur leur rôle de contre-pouvoir.
Une telle tendance ne risque-t-elle pas d’apparaître comme une privatisation des services publics à bas coûts au prix d’une précarisation des structures associatives ?
Les propositions de la CPCA
La CPCA demande que la prochaine Conférence nationale de la vie associative soit l’occasion de sécuriser la notion de subvention par un projet de loi la défi nissant et la distinguant clairement de l’appel d’offre et de la délégation de service public. En ce sens, la subvention, entendue dans le cadre d’un véritable contrat, doit être préférée à chaque fois que la situation le permet à la commande publique de façon à respecter l’initiative privée à l’origine des projets associatifs. Pour autant, dès la réforme de 2000 du code des marchés publics, la CPCA a oeuvré pour la reconnaissance de la spécifi cité associative dans les marchés publics.
Aujourd’hui, dans un cadre eurocompatible, il faut sensibiliser les pouvoirs publics à la mise en oeuvre d’une commande publique socialement responsable via les clauses sociales et environnementales.
En Bref
1) La prochaine Conférence nationale de la vie associative - sous l’égide du Président de la République - devra stopper cette stratégie implicite de mise en concurrence des associations.
2) Cet événement devra permettre de favoriser la distinction entre la subvention (contrat) et la commande publique grâce à des décisions politiques claires.
3) Elle devra permettre d’ouvrir une nouvelle phase de concertation avec les instances associatives sur les conditions du recours aux associations dans la commande publique.
RECOURS A LA COMMANDE PUBLIQUE POUR LES ASSOCIATIONS : TROIS EXEMPLES DE BANALISATION DU FAIT ASSOCIATIF
A l‘occasion du la prochaine Conférence nationale de la vie associative, la CPCA poursuit son travail de veille - dans différents secteurs d’activité associatifs - sur les conséquences de la généralisation de la commande publique. Le site internet et la newsletter de la CPCA feront régulièrement l’écho de témoignages, de cas concrets et d’analyses de fond sur le sujet.
Premier éclairage avec le point de vue de trois regroupements associatifs membres de la CPCA :
Un exemple pour les associations humanitaires et de solidarité internationale : Le point de vue de Coordination Sud
Le ministère des Affaires étrangères et européennes a mis en place en 2007 des appels à initiatives sur des thématiques qu’il estime prioritaires. La logique qui prévaut à ces appels est de répondre aux critiques de parlementaires français sur un soi-disant saupoudrage de subventions publiques et d’éparpillement d’interventions des ONG. En parallèle à ce nouvel outil qui cadre beaucoup plus le droit d’initiative des associations de solidarité internationale, le ministère a déconcentré une partie de ses fi nancements vers les Ambassades de France, ouvrant la porte à de possibles dérives d’instrumentalisation des ONG. Ainsi, une ambassade de France en Afrique de l’Ouest a rédigé un « cahier des charges » digne d’un véritable appel d’offre. Celui-ci formule explicitement que les ONG « opératrices » et « prestataires » soumissionnaires devront mettre en oeuvre des objectifs, des résultats et des activités défi nis par la puissance publique.
Un exemple pour les associations du secteur sanitaire, social et médico-social : Le point de vue de l’UNIOPSS
Dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale, de nombreux champs sont progressivement touchés : petite enfance, prévention spécialisée, insertion, protection de l’enfance. Il devient fréquent que des conseils généraux ou des collectivités locales abandonnent la voie du conventionnement pour entrer dans une logique de mise en concurrence via la passation de marchés publics ou de délégations de services publics. Au passage, les activités sont souvent morcelées en différents « lots » pour favoriser la coexistence de plusieurs acteurs. Cette logique a récemment trouvé application dans un autre domaine : un appel d’offre ministériel a été lancé en août dernier pour attribuer une mission d’aide aux étrangers en rétention. Cette mission - confi ée depuis 1984 à la Cimade pour l’ensemble des CRA - est découpée en 8 lots et abandonnerait, au passage, l’aide à l’exercice des droits.
Un exemple pour les associations socio-judiciaires : Le point de vue de Citoyens et Justice
Le Ministère de l’économie, des fi nances et de l’emploi a récemment estimé que les associations socio judiciaires devaient être mises en concurrence dans le cadre d’un marché public concernant l’accompagnement socio éducatif des personnes incarcérées et condamnées à une peine d’emprisonnement. Cette décision fait suite à une analyse des services juridiques de Bercy en date du 14 mai 2008 . Le Ministère de l’Economie des Finances et de l’Emploi, (Direction des Affaires Juridiques, sous direction de la commande publique) estime en effet « inévitable l’application d’une procédure adaptée de mise en concurrence pour la passation de tels marchés publics ». Cette affirmation rompt avec la doctrine et la jurisprudence actuelle sur ce type de relations contractuelles entre l’Etat et les associations. Une soumission à la procédure de mise en concurrence avec des organismes à but lucratif constituerait une négation des valeurs sociales portées par les associations. Elle entraînerait par conséquent une considérable perte d’énergie, au détriment de la qualité d’intervention auprès de personnes désocialisées.
Quand la DATAR devient DIACT la programmation de la compétitivité généralisée ne prend plus de masques, le secteur associatif n’échappera pas à ce nivellement d’une société malade de la gestion ( cf. Vincent de Gaulejac - Laboratoire de changement social). Le pilotage par objectifs associé à l’obligation de résultats ( financiers) exclue de fait une part de l’obligation de moyens, en particulier humain.
La mutation profonde de la gestion de toutes les activités éducatives, d’enseignement, de formation, sanitaires et sociales se caractérise par l’effacement progressif des processus au profit des résultats escomptés, généralement par des administratifs et gestionnaires qui n’ont aucunes pratiques des compétences de ceux qu’ils contrôlent," gouvernent" (et évaluent !). Ce " management à la hussarde" pour enlever les parts de marché, puisque tout deviendrait "marché" est aux antipodes d’un credo des années 80 avec "l’entreprise du 3eme type "avec " zero défaut - zero mépris" , y compris pour les personnels considérés comme bien dans leur vie - bien dans leur emploi, conditions du succés de l’enteprise et de sa performance.
Le modèle entrepreneuriale du marché se dégradant, le monde associatif se métisse avec celui du marché concurentiel, certains espèrent que les " vertus spécifiques" s’adittionneraient, l’engagement volontaire et le contrat. La dérégulation des Conventions collectives au profit des contrats individuels fait des salariés des employés "volontaires" pour plus d’engagement bénévoles dans l’entreprise et le monde associatifs devient des supplétifs corvéables à merci puisqu’ils sont "militants".
Pour avoir rencontré des "gouvernances" associatives des bénévoles et des professionnels, confusionnelles (autoritaire sans référence aux statuts et aux finalités annoncées, non-écoutes des vécus ) nous pourrions comprendre que souvent la vie associative a prété le flanc pour recevoir ces flèches maintenant bien plantées dans le corps même de l’économie de la vie associative.
L’économie relationnelle, l’engagement citoyen des associations, rivalisent maintenant avec les entreprises du marché qui n’hésitent plus à être "citoyennes". Les avatars de l’affichage sans lire la notice de composition/ processus du service.
La pression du marché pour pérenniser la servitude volontaire - stress en prime bien instrumentalisé - interdit-il le questionnement du rôle de la vie associative à tous les étages des dynamiques territoriales. A quand la fin de l’illusion pyramidale vassalique, un beau reste du monde féodal.
Le bien commun résulte-t-il de la seule action du marché ?
La saisine des institutions et l’injection par " la société civile" d’initiatives " citoyennes" dans les dispositifs existants seraient-elles impossibles ?
Le fameux réformisme n’aurait-il comme ressorts que ceux des institutions ?
En l’état des "ressorts" institutionnels de l’Etat, apparaissent des intiatives régionales et décentralisées qui mériteraient notre attention. Quand les Collectivités Territoriales mettent en place des Assemblées permanentes de la vie associative avec parfois des budgets participatifs, la nature même des appels d’offre de ces collectivités changent, et la reconnaissances d’une intelligence collective moins gestionnaire et dévastatrice fait surface.Sans naà¯veté excessive des alternatives s’esquissent.
cf. Sociologie adaptée au développement local ou " l’essentiel est aux cuisines".
Quelques universités d’été 2009 mettront au menu cet échange des pratiques artisanales du " faire ensemble".