Nous vieillissons, la France vieillit. Pour paraphraser La Fontaine, il n’est rien de moins ignoré, rien où l’on soit moins préparé.
Maints rapports ont dénoncé le fait que notre société « performative » tend à rendre invisibles les personnes du très grand âge, que ce soit dans les représentations (publicité, médias) ou dans l’organisation de la société (isolement chez soi ou entre elles dans les établissements spécialisés).
Ce manque de visibilité et d’organisation de la représentation, conjugué aux difficultés des finances publiques, et notamment des finances sociales, dans les dernières décennies, peut expliquer sans l’excuser le retard pris par notre pays, en dépit de plans successifs, pour reconstruire une politique de la longévité, notamment en prévision de l’accroissement à venir très significatif du nombre des personnes âgées dans notre société.
La concertation s’est traduite par des contributions très riches et convergentes de la part de tous les acteurs. Ce rapport en est la traduction la plus fidèle possible et je remercie tous les acteurs. Je remercie vivement l’équipe qui m’a accompagné pour la construction de cette concertation et la rédaction de ce rapport [1] .
Un nouveau regard sur le grand âge est indispensable : inclusion et autonomie doivent être les maîtres mots. Aider nos parents à vivre debout, avec les autres, dans la dignité, ne doit pas être une préoccupation marginale mais être au cœur de notre pacte social car elle engage, non seulement le bien-être des personnes qui nous sont chères, mais la vision que nous avons de notre société, de l’égalité femme/homme, de notre vivre ensemble, de notre vie individuelle et collective.
Cela peut s’appuyer sur de multiples initiatives foisonnantes, et l’attention même portée aux intolérables situations de maltraitance prouve tout à la fois l’importance du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs du « bien-être du grand âge pour tous » et la prise de conscience de la très grande majorité de nos concitoyens, pour beaucoup confrontés à ce sujet avec leurs proches, de la nécessité d’agir et de transformer notre façon de faire.
Transformation des liens intergénérationnels, transformation de l’offre qui ne peut se réduire à l’isolement chez soi ou en établissement, transformation du système d’aides pour que l’allongement de la vie de ses proches ne se traduise pas en dilemme financier pour les ménages modestes, transformation de la prise en charge pour assurer des parcours de soins et de santé sans rupture, transformation de la politique de prévention qui doit commencer très tôt et se poursuivre le plus longtemps possible pour maintenir aux mieux les fonctions de la personne.
Ceci ne pourra être réalisé qu’en mettant la valorisation des métiers comme axe prioritaire de la stratégie nationale du grand âge. Rien ne sera possible sans que notre société reconnaisse mieux celles (la très grande majorité) et ceux dont l’activité professionnelle est d’accompagner et de prendre soin des personnes en perte d’autonomie.
Ceci suppose un investissement financier et de pilotage de politique publique en profondeur et dans la durée, dont je mesure pleinement la difficulté dans le cadre des finances publiques actuelles de la France.
Toutefois, nous n’avons pas le temps d’attendre, c’est un luxe qui ne nous est pas donné, et il faut remettre les montants nécessaires au regard de l’ensemble des masses financières de la protection sociale dont la perte d’autonomie doit être reconnue comme un risque à part entière. Redéployer des moyens au profit d’une meilleure prise en charge du grand âge peut être compris par nos concitoyens. Enfin, il convient de ne pas regarder cette stratégie comme exclusivement un coût dans la durée : une meilleure organisation des parcours évitant les hospitalisations inutiles, une stratégie vigoureuse de prévention en améliorant l’espérance de vie en bonne santé limite les coûts liés à la prise en charge et à la détérioration de l’autonomie.
Enfin une autre présence du grand âge dans notre société enrichit la vie de chacun.
Dominique LIBAULT
[1] Jérémy Fournel, Catherine Francineau-Voisin, Steven Quentin, Jean-Louis Rey, André Ricard, Dorian Roucher et Elisabeth Sawicki