Depuis des années, il est demandé aux pouvoirs publics de donner aux vieux migrants la réelle possibilité d’effectuer des aller retours ou même de rentrer pour de longues périodes au pays d’origine. Pour ce faire, nombre d’associations, de même que le Haut conseil à l’intégration, demandent qu’on ne leur supprime pas les droits sociaux acquis après de longues années de travail, notamment la protection maladie et le minimum vieillesse.
Le nouveau projet de loi en faveur de la cohésion sociale, présenté par Jean Louis Borloo le 17 janvier 2007, entend créer une « aide financière » destinée aux vieux migrants qui « s’engagent à effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine ».
Malheureusement, le texte vise, dans une logique comptable, à faire des économies et à répondre à la pression des gestionnaires pour faire de la place dans les foyers. Comme le déclare le gouvernement, « le montant de l’aide [accordée au vieux migrants repartant pour de longs séjours] sera équivalent à celui de l’aide au logement dont ils bénéficiaientsi bien que globalement, aucune charge nouvelle ne sera créée pour l’État ». Dans l’opération, l’Etat va même gagner de l’argent sur le dos des vieux migrants puisqu’il est prévu également de leur supprimer le minimum vieillesse. (…)
Cette mesure est en outre exclusive : ne pourront en bénéficier ni les couples, ni les propriétaires, ni les personnes dépourvues d’aides au logement, parmi lesquelles des milliers d‘étrangers hébergés par des membres de famille, des tiers ou ceux habitant des taudis ou des hôtels meublés. Pourquoi eux ? parce que ne recevant pas d’aides au logement, on ne pourrait alors pas faire l’économie de leur supprimer pour financer la nouvelle aide ! De même, tous les vieux migrants ayant acquis la nationalité française ou ressortissants de l’Union européenne sont exclus, ce qui est une discrimination manifestement contraire au droit communautaire.
Plus inquiétant encore, ce projet passe sous silence la question des soins. Or ces vieux migrants ne pourront plus bénéficier de l’assurance maladie puisqu’en s’absentant du territoire ils ne répondront plus à la condition de résidence posée par le Code de la sécurité sociale qui exige plus de 6 mois en France par an (ce qu’un nouveau décret en préparation confirme d’ailleurs). Bien qu’alerté par les associations, le gouvernement a totalement occulté cette question du droit à l’assurance maladie. Bien davantage qu’une simple opération visant à faire des économies et de la place dans les foyers, le dispositif risque de jouer un mauvais tour aux vieux migrants. Dans ces conditions, on en serait presque à se réjouir des nombreuses catégories exclues du dispositif !
Ce projet s’inscrit dans la continuité des pratiques discriminatoires, déjà dénoncées par la HALDE, qui visent à chasser les vieux migrants du centre de Marseille et d’autres villes [1]. Rappelons aussi le triste épisode de la soi-disant décristallisation des pensions d’anciens combattants qui a notamment laissé sur le carreau les bénéficiaires de pension civile ou militaire de retraite qui continueront à être discriminés et à percevoir des pensions à taux réduit [2].
Par leur histoire, les vieux travailleurs immigrés sont en même temps d’ici et là bas. Toute réforme les concernant doit leur reconnaître le droit effectif d’aller et venir, ce qui implique des droits liés à la personne et non au lieu de résidence.
Paris, le 19 janvier 2007
Signataires : ATMF, CATRED, COPAF, GHORBA, GISTI
[1] Voir le communiqué « Discriminations des services fiscaux à l’encontre de vieux travailleurs maghrébins »
[2] Voir le communiqué « Anciens combattants et fonctionnaires des ex-colonies. Manœuvres gouvernementales pour maintenir les discriminations ».