Le guide papier fait en quatre-vingt pages le tour du secteur, il est accompagné de fiches sur les acteurs analysés. Enfin presque, car le Centre Français d’Information sur les Entreprises, cité à plusieurs reprises dans le guide proprement dit, n’a pas de fiche. Heureusement, les concepteurs du produit ont eu la sagesse de considérer la version papier comme provisoire, la mise à jour étant faite sur le site de l’ORSE. Cette façon de faire se révèle d’autant plus pertinente que les choses vont vite dans le secteur : c’est la veille de la conférence de présentation du guide que la fusion Vigeo Ethibel était annoncée.
Pierre Ducret, vice-président de l’ORSE, souligne que le guide s’intéresse aux organismes d’ « analyse » et non de « notation » comme dans les versions anciennes car le champ d’intervention s’est élargi. Toujours dans la sémantique, il note que « analyse sociale et environnementale » peut être un titre trop restrictif car il ne comprend pas la gouvernance ; c’est pourquoi l’expression « analyse sociétale » est employée dans le corps du texte, ainsi que la troisième dénomination possible : « extra financière ». Les financiers font désormais une place à l’analyse sociale et environnementale comme ils font une place à l’investissement socialement responsable : l’effet Enron a conduit le monde de la finance à intégrer la gouvernance dans le champ de l’analyse. L’ISR a donc une place reconnue mais qui n’est que celle d’un petit compartiment qui doit faire ses preuves.
En 2001, les entreprises européennes étaient agacées par la multiplicité des questionnaires, aujourd’hui ce foisonnement n’est plus une préoccupation pour elles. Beaucoup font des efforts pour une politique de développement durable et souhaitent désormais que ces efforts soient mesurés. On assiste donc à l’apparition de l’analyse sollicitée.
Les méthodes d’analyse extra-financière restent diverses. « Il n’y a pas eu de percée épistémologique, ce qui a pour conséquence une faiblesse de l’analyse sociétale par rapport à l’analyse financière qui parle la même langue de New York à Tokyo » souligne Pierre Ducret.
Il existe aujourd’hui trois agences de notation financière dans le monde, qui ont un impact considérable sur le marché des capitaux, et au-delà sur l’organisation des ressources économiques. On a répertorié quarante-cinq organisations extra financières, qui n’ont pas d’influence sur le marché des capitaux. Comment faire pour que celles-ci aient demain un impact plus marquant sur le fonctionnement du marché des capitaux et donc sur l’économie ? Pour Christian de Perthuis, le modèle économique des ces organisations ne leur permet pas de faire de la recherche et elles ont souvent le grave problème des conflits d’intérêt. Les agences sociétales, aujourd’hui cent fois plus petites que les agences financières, ne joueront un rôle important que si la notation extra financière passe du marché secondaire au marché primaire : une grande étape aura été franchie quand il sera indispensable d’être noté ISR pour lever des capitaux. Ensuite, il faudra élargir la notation à de nouveaux sujets ou de nouveaux outils : PME, collectivités territoriales, notation carbone. La notation carbone est un exemple où le marché internalise ce qui était une externalisation. De ce fait, le problème environnement est traité non plus seulement par le directeur de l’environnement mais aussi par le directeur financier.
L’ADEME a un rôle d’incitation, rappelle François Moisan, elle dispose de faibles ressources publiques et entend faire participer le secteur privé. Elle cherche à apporter des outils aux entreprises pour qu’elles intègrent des préoccupations environnementales. Le risque carbone s’inscrit dans les comptes des entreprises. C’est un dispositif normatif, pour certaines aujourd’hui, pour toutes demain. L’Ademe a un système d’aide au diagnostic pour les entreprises qui veulent réaliser un bilan carbone, bilan qui essaie d’évaluer les émissions sur toutes la chaîne de production du produit, y compris lors de sa destruction.