C’est un congrès « grand angle » que nous proposons, car le mouvement mutualiste français, dans toute sa diversité, a peut être abordé, pour des raisons légitimes, ces questions du mutualisme sous un aspect trop défensif en les subordonnant, trop mécaniquement, au débat sur la réforme de la protection sociale et quasi exclusivement à sa place dans la gestion du système.
C’est insuffisant et notre congrès peut nous permettre de rattraper ce retard.
Sur la réforme elle-même, son contenu a fait l’objet, depuis le congrès de Toulouse de la Mutualité française, d’une analyse critique de la fédération. Nous aurons, à cette occasion, à Montpellier, à débattre des responsabilités nouvelles confiées à la mutualité, qu’il faudra pleinement exercer car l’impact de la réforme n’est pas neutre. Si celle-ci ouvre une voie à un partenariat entre la mutualité et l’assurance maladie, elle a aussi été malheureusement un nouveau rendez-vous manqué entre la mutualité et la majeure partie des organisations syndicales de salariés, ainsi que, sur une autre plan, avec les partis politiques de progrès, notamment ceux de gauche. Nous verrons pourquoi et comment la mutualité doit conduire de nouvelles relations avec les acteurs sociaux, d’une part, et avec les acteurs politiques, d’autre part.
L’ambition de notre congrès pourrait être considérable car, au-delà même de ce que nous avons dit et de ce nous allons encore dire de la réforme même de la protection sociale, les Mutuelles de France peuvent, comme elles l’ont toujours fait tout au long de leur histoire, être un lieu de parole pertinente sur l’originalité et la spécificité de la forme mutualiste dans la société et également une passerelle incontournable pour aider, une fois encore, à réduire les incompréhensions entre les acteurs du mouvement social.
Plus que tout autre, nous ne pouvons que regretter que l’année qui vient de s’écouler, alors que nous étions au cœur de la préparation du débat sur la réforme de la protection sociale, n’ait pas permis ce rapprochement tant souhaité. Les Mutuelles de France y ont pourtant œuvré inlassablement et sans discontinuer mais, malheureusement, la posture juste de la mutualité d’être un acteur à part entière du système de sécurité sociale, a conduit, à nouveau, à des décalages importants avec l’analyse d’autres acteurs et, notamment, plusieurs syndicats de salariés et mouvements politiques.
Notre tort a été, peut être, de considérer que, face à l’opportunité que la réforme présentait, on pourrait résorber ou modifier en quelques mois un passif inscrit dans l’histoire de ces relations entre ces formes sociales, qu’il sera d’ailleurs utile de revisiter dans les débats du congrès.
Les Mutuelles de France doivent, aujourd’hui, à partir de cette réalité faite de rendez-vous historiques manqués dont tous les acteurs sociaux de ce pays sont comptables, affûter leur posture pour préparer les échéances à venir et ouvrir de nouvelles opportunités. Elles ne sauraient s’accommoder de cette situation, d’un mouvement social éclaté, incapable de s’accorder sur des objectifs communs, et, par là même, de mobiliser les assurés sociaux et les populations.
Les Mutuelles de France ont toujours œuvré pour que la forme et l’action mutualistes, entièrement spécifiques par rapport à la forme et à l’action syndicales, contribuent, dans le domaine d’intervention mutualiste, à la transformation sociale, à la démocratie sociale, à l’expression pluraliste du mouvement social dans la société.
Elles ont toujours œuvré pour que les partis politiques reconnaissent cette place et ce rôle, en toute indépendance, de la mutualité dans une société dont les évolutions ne peuvent résulter de la seule intervention de l’Etat, de la seule action politique, en particulier dans le domaine sanitaire et social. Les contenus et les champs d’intervention spécifiques de la démocratie politique et de la démocratie sociale, l’organisation de leurs relations, sont devenus des questions décisives pour l’évolution d’une société développée et complexe, comme l’est la société française.
Il est certainement décisif de convaincre, à partir de cette histoire et des enjeux à venir dans un environnement passablement modifié, en quoi le « complémentaire » est déterminant pour faire bouger « l’obligatoire » et la part aujourd’hui plus prépondérante du volontaire dans le système de protection sociale peut, par le jeu des alliances que nous avons toujours méthodiquement recherchées, être un instrument de changement positif . Mutualité et syndicalisme notamment ont de nouveau à approfondir leurs réflexions.
Les Mutuelles de France ont toutes les raisons de continuer à œuvrer dans ce sens, au sein de la Mutualité française, sur le plan national ainsi que sur le plan européen.
Cette dimension européenne est d’ailleurs devenue le cadre permanent de la réflexion et de l’action mutualistes et le congrès aura à en débattre de manière approfondie.
La mutualité ne peut uniquement mener un combat défensif face aux mises en cause de sa spécificité. Elle doit aussi devenir un acteur de la construction de l’Europe sociale afin que les logiques solidaires, mutualistes, prennent le pas sur les logiques marchandes, assurancielles, qu’il soit possible d’entreprendre autrement que sous la forme commerciale, d’où l’enjeu de la question actuelle du statut de la mutuelle européenne.
L’action de longue durée, engagée par les Mutuelles de France pour la spécialisation du risque santé en Europe, pour imposer à l’ensemble des opérateurs de ce risque des contraintes relevant de l’intérêt général, est caractéristique de cette démarche.
L’ambition que les Mutuelles de France ont pour la mutualité appelle également une nouvelle structuration de l’ensemble qu’elles constituent et de toute la mutualité.
Le code de la mutualité, l’unification du mouvement mutualiste, les responsabilités nouvelles confiées à la mutualité par la réforme de l’assurance maladie et l’évolution de ses différents métiers dans un champ concurrentiel, sont autant de contraintes et d’opportunités pour aboutir à cette nouvelle structuration.
Le congrès devra arrêter les orientations, l’assemblée générale devra prendre les décisions qui s’imposent au terme de ce long processus démocratique que nous avons engagé. Au moment où le mutualisme français évolue, il s’agira, pour nous, de concrétiser le nécessaire regroupement volontaire des moyens avec le devoir de cohésion et de cohérence stratégique qui s’impose si nous voulons, aussi, inventer un fédéralisme de notre temps et, ainsi, contribuer, avec notre originalité et notre spécificité, à la nouvelle organisation de la mutualité française.
Les Mutuelles de France, avec leur histoire, l’originalité de leur positionnement, sont donc appelées, à l’occasion de ce congrès, à apporter une contribution riche et utile à l’action et à la vie de la mutualité française, du mutualisme, à un moment particulièrement important pour leur avenir.
Il importe, dans ce moment, que la voix des Mutuelles de France porte au sein du mouvement mutualiste et dans la société, que ses initiatives en fasse un acteur reconnu par tous, que son organisation lui permette de jouer un pérenne.