Interview libre (et exclusif) d’un journaliste libre d’une radio libre : Pascal Massiot de Jet FM

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Interview libre (et exclusif) d'un journaliste libre d'une radio libre : Pascal Massiot de Jet FM

Ressources Solidaires : Le journaliste interviewé, c’est un peu se parler dans un miroir. Que raconterais tu à Pascal Massiot si tu le rencontrais ? Que lui dirais tu sur l’histoire de Jet FM qui fête ses 30 ans cette année ?
Pascal Massiot : Qu’il fait du bon boulot ! (rire)
Sérieusement, je lui dirais qu’il a bien de la chance de travailler dans un média où il a la main sur toute la chaine de traitement de l’info : choix des sujets, chois des invité.e.s, choix de la durée des interviews…tout cela bien entendu, car Jet fm est une association, dans le cadre défini par le CA de la radio et la direction d’antenne.
Je lui dirais en outre que cette radio, née d’un atelier radio dans un centre socioculturel de Bellevue, a su concilier les deux dimensions que sont l’ouverture et la cohérence. Elle a su affirmer son identité, attentive aux projets émergents, trait d’union avec le tissu associatif (j’anime une quotidienne sur Jet « le MIDI », 80% de mes invité.e.s oeuvrent dans une asso), attentive aux débats autour de la laïcité, des discriminations, du sort des personnes migrantes.
Je lui dirais que Jet c’est devenu bien plus qu’une radio : c’est également une structure proposant des formations au son et à la radio, une structure qui promeut la création sonore et radiophonique (via le festival [sonor] notamment).
C’est aussi un outil d’éducation populaire avec la création il y a 2 ans et demie du Sonolab, un atelier des sons qui va à la rencontre de centaines d’élèves.
Je dirais en outre à Pascal Massiot que c’est bien beau tout ça, mais que la réalité actuelle d’une radio associative est rude en cette fin 2016 : les fonds publics stagnent ou se tarissent , les budgets sont de plus en plus difficiles à boucler, difficile dans ces conditions de se projeter à plus de 6 mois…serait-ce le prix de la liberté évoquée plus haut ?
Mais plus globalement c’est l’associatif, et ses structures les plus modestes, qui sont dans cette panade aujourd’hui. Et les perspectives électorales du printemps 2017 n’augurent rien de bon.

Ressources Solidaires : Tu es journaliste, reconnu sur le territoire comme le référent sur les sujets ESS et sociétaux. Comment t’es tu dirigé sur cet axe ? Intérêt personnel ou curiosité professionnelle ?
Pascal Massiot :Dans les années 80, j’étais étudiant en Sciences Economiques (maîtrise en 1987)…durant ce cursus, très peu d’heures dédiées à l’étude de l’économie sociale et rien sur l’ESS, concept et secteur qui se sont affirmés et popularisés par la suite.
Donc j’ai pris une sorte de revanche en créant avec deux complices investies dans l’ESS : Clotilde Sers et Catherine Sfoggia, l’émission « Comment Vont les Fourmis ? » (titre trouvé par Catherine), la mensuelle de Jet dédiée à l’économie sociale et solidaire, afin de promouvoir et mieux connaitre les structures de l’ESS et celles et ceux qui les portent.
Il me tenait à cœur que l’ESS soit incarnée…
L’émission en est à sa 11ème saison !

Ressources Solidaires : Les médias alternatifs n’ont jamais eu autant le vent en poupe, face à la critique des conglomérats dans la presse. Alors, tu es plutôt "chien de garde" ou "chien de chasse" (En référence au livre "les nouveaux chiens de garde" de Serge Halimi paru en 2005 sur la relation étroite entre les médias et le pouvoir politique) ? Est ce simple d’être objectif quand on travaille sur un territoire défini ?
Pascal Massiot :Chien de chasse pour les chiens de garde, oui ! En ce sens, j’ai organisé en juin dernier avec Attac, un débat public sur la question de l’indépendance des médias avec pour invités Patrick Appel-Müller, redacteur en chef de l’Humanité, Denis Sieffert, directeur de l’hebdomadaire Politis et Walter Bouvais (Terra Eco). Les chiens de garde locaux n’ont pas relayé l’info, on se demande bien pourquoi…résultat : salle comble ! Comme quoi on peut faire sans les toutous dociles.

Ressources Solidaires : Jet FM fait partie d’un réseau des radios associatives structuré et diversifié (la FRAP). A t on encore l’esprit de la FM des années 80 qui faisait qu’à partir du moment où on avait un canal de diffusion, on réalisait ses programmes et on diffusait sans se soucier trop du "qui paye" ? L’équilibre éditorial a t il pu être maintenu malgré le poids de la recherche permanente de fonds ? Pas trop de concessions pour le journaliste ?
Pascal Massiot :C’est une très bonne question et je vous remercie de me l’avoir posée :)
Il est vrai que l’esprit des radios libres tend à disparaitre, notamment pour les radios associatives les plus récentes.
A Jet, on essaie de se souvenir que nous sommes les héritiers des radios libres de 1981.
Dans cet esprit, j’ai animé une émission quotidienne de mi-journée pendant 7 ans en donnant rendez-vous aux auditeurs à 12h00 sans savoir d’une émission sur l’autre à quelle heure je rendais l’antenne : 13h ? 13h15 ? 13h45 ? Cela dépendant du sujet abordé, de l’éloquence du ou des invités, de l’actualité, de mes envies, de ma forme.
C’était une façon de s’affranchir du conformisme et des formes radiophoniques établies comme l’on fait les acteurs des radios libres à l’arrivée de Mitterrand en 1981.
Quant à la question de savoir si nous avons conservé notre libre-choix, notre indépendance éditoriale face à la recherche permanente de fonds, la réponse est qu’on y travaille sans cesse, que cela est un point de vigilance absolu.
Raison pour laquelle nous pouvons être très critique le cas échéant vis-à-vis du pouvoir politique local, départemental ou régional (sur la question du projet de nouvel aéroport par exemple, mais pas que…) et en argumentant .
Je peux certifier qu’il n’y a aucune ingérence éditoriale ou pression sur la rédaction pour faire passer des messages politiques en contrepartie de largesses budgétaires. Notre indépendance, nous l’avons bâtie en cherchant à être des professionnels de la radio et nous y sommes parvenus je crois. J’ajoute que nous avons pris notre autonomie en janvier 2010, alors que Jet était rattachée juridiquement au centre socioculturel de la Bernardière (où elle est née en 1986) et indirectement à la ville de Saint-Herblain, laquelle chapeaute les centres socioculturels herblinois. Une position d’autonomie plus risquée pour nous mais la seule qui vaille pour un média qui prétend à son indépendance.
Pas de concession à la liberté, éditoriale ou autre, elle doit être pleine et entière.

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