Dans le cadre d’une grande enquête financée par le Ministère du Travail sur les usages des contrats courts de moins d’un mois, Benjamin Saccomanno a coordonné l’analyse d’une soixantaine d’entretiens de responsables RH de secteurs concernés par l’explosion de ces contrats. Dans ce nouveau Céreq - Bref, l’auteur nous propose un zoom sur l’aide à domicile, grand pourvoyeur de cette forme particulière de CDD. En quoi les contrats courts sont-ils une réponse à une activité où l’ajustement entre demande et offre de travail est un défi journalier ? Quelles en sont les conséquences pour les employeurs sur le plan managérial ?
Aide à domicile : une activité marquée par l’incertitude
- Les effectifs des aides à domicile et ménagères sont passés de 389 000 à 555 000 entre 2009 et 2019, une augmentation qui concerne avant tout des entreprises prestataires et non plus, les particuliers comme par le passé.
- Incertitude des financements : l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) est gérée par les départements et les structures de prestations diversifient leurs offres pour ne pas être soumises qu’à ce type de revenus (Aide aux devoirs, jardinage...)
- Incertitudes des plannings : Le secteur de l’aide à domicile étant constitué de demandes d’interventions clients hétérogènes (durées et tâches) et qui peuvent à tout moment évoluer, le travail des responsables consiste à réaffecter les salariées sur de nouvelles interventions. L’utilisation des contrats courts signale cette récurrente nécessité d’ajuster à court terme l’affectation de la main-d’œuvre.
Un turn over élevé lié aux conditions de travail
- Ces emplois se caractérisent par de faibles rémunérations, un temps partiel majoritaire et généralement subi, une injonction à la disponibilité, une faible reconnaissance et une progression de carrière très limitée.
- Si la forte demande de travail dans ce secteur est bien réelle, elle se confronte donc vite à un turn-over important, conséquence des conditions de travail.
Des recrutements complexes sur un marché du travail tendu
- Ainsi les deux raisons avancées par les employeurs pour justifier l’usage des contrats courts : la nécessité récurrente de remplacer les salariées absentes (congés, maladie, démission), et la difficulté à réaffecter en interne le travail induit par les multiples variations de la demande.
- Certaines candidates préfèrent le CDD en raison des primes liées et de la liberté de pouvoir exercer une autre activité en parallèle.
- La faible attractivité du secteur et la concurrence entre employeurs requiert de forts investissements des RH pour recruter.
La formation peut-elle participer à l’amélioration des conditions de travail des aides à domicile et à la fluidité de ce marché du travail déséquilibré ? Si les trois quarts des salariés du secteur disent vouloir se former, moins d’un quart en ont fait la demande. Parmi ces derniers, 53 % disent vouloir changer d’entreprise et 56 % de métier. Pour conclure, l’auteur souligne qu’en complément d’un développement de la formation, une politique de revalorisation salariale et d’amélioration des conditions de travail s’impose. Il interroge par là-même l’ensemble du modèle économique au fondement du secteur.