Nucléaire - Bilan du débat public sur le réacteur EPR
EPR : un simulacre de débat pour un réacteur dépassé
Alors que se tient vendredi 17 (à Paris) et samedi 18 février (à Cherbourg) la clôture du débat public sur le réacteur nucléaire EPR, le Réseau "Sortir du nucléaire" publie ce jour son propre rapport. Il se découpe en trois parties :
1) Le contexte du Débat public sur l’EPR
Ce débat (nov 2005-février 2006) s’est malheureusement déroulé après la décision de construire l’EPR (votée le 13 juillet 2005 par les députés qui ont donc "torpillé" le Débat public).
Par ailleurs, la contribution écrite du Réseau "Sortir du nucléaire" a été partiellement censurée.
En revanche, le Réseau "Sortir du nucléaire" a manifesté devant toutes les étapes du Débat public et diffusé aux citoyens des extraits d’un document Confidentiel défense (voir partie 3)
2) l’EPR, un réacteur inutile et rejeté par la population
La France est en surproduction d’électricité : elle exporte (à pertes) l’équivalent de 10 réacteurs nucléaires, sans parler des gaspillages (appareils en veille, etc). Même du point de vue pronucléaire, il n’y a aucun besoin de l’EPR (lequel ne saurait d’ailleurs répondre aux pointes de consommations).
La construction en France de l’EPR a été imposée pour aider Areva à exporter son réacteur à l’étranger. Or, les marchés des USA et de la Chine se referment inexorablement devant l’EPR, trop gros, trop cher, de conception dépassée.
Enfin, l’Eurobaromètre (sondage de la commission européenne) publié le 25 janvier 2006 montre que seuls 8% des français proposent le nucléaire face à la crise énergétique. C’est un total désaveu pour l’industrie atomique en général et pour l’EPR en particulier.
3) Le réacteur EPR : vulnérable à un crash suicide, dangereux, dépassé.
Le Réseau "Sortir du nucléaire" détient un document d’EDF classé confidentiel défense - dont il a publié des extraits - qui reconnaît que l’EPR ne résisterait pas à un crash suicide, ce qui n’est pas tolérable pour le premier réacteur nucléaire "post 11 septembre 2001"
Par ailleurs, l’EPR présente, avant même sont éventuelle construction, la même faiblesse que les autres réacteurs nucléaires français concernant l’obturation possible du circuit de recirculation, indispensable pour refroidir le cœur du réacteur en cas d’accident.
Qui plus est, le "core-catcher", qui doit recevoir le cœur en fusion en situation accidentelle, est susceptible de provoquer des explosions de vapeur à même de détruire la cuve et l’enceinte de confinement, et donc de créer un véritable Tchernobyl.
CONCLUSION : Pour un débat-bilan de 50 ans de nucléaire en France
Le débat public, bien que tronqué, marqué par la censure de la part des autorités et le mensonge de la part des industriels du nucléaire, n’a pas permis à ce derniers de cacher la vérité sur l’EPR : ce réacteur est inutile, dangereux, dépassé, vulnérable. La décision de construire l’EPR est illégitime et antidémocratique. Le Réseau "Sortir du nucléaire" réclame l’annulation des décisions prises ces derniers mois (construction des réacteurs EPR et ITER, de l’usine d’enrichissement Georges-Besse II) et l’organisation à l’échelle nationale d’un véritable débat-bilan de 50 ans de nucléaire en France.
Sommaire
1) Contexte du Débat public sur l’EPR
Construction de l’EPR votée par les parlementaires avant le débat
Censure de la contribution du Réseau "Sortir du nucléaire"
Document "confidentiel défense"
2) L’EPR et la politique énergétique française
Surproduction, exportation d’électricité
Inutile vitrine à l’exportation
8% seulement des français demandent l’EPR
3) Les failles du réacteur nucléaire EPR
Vulnérabilité face à un crash suicide
Défaillance des circuits de recirculation
Risques d’explosion dans le récupérateur de corium
Des réacteurs 10 fois plus dangereux
Les déchets, les rejets dans l’environnement
1) Contexte du Débat public sur l’EPR
A) Construction de l’EPR votée par les parlementaires avant le débat
Chronologie
le 21 octobre 2004, EDF annonçait que le réacteur EPR serait construit sur le site de Flamanville dans la Manche.
le 14 juillet 2005, le journal officiel publiait la Loi d’orientation sur l’énergie, adoptée la veille par les parlementaires, Loi qui valide la construction du réacteur EPR.
le 24 octobre 2005, M. De Villepin, Premier Ministre, déclarait "Au vu des conclusions du débat public en cours, EDF construira le premier réacteur EPR à Flamanville." (sic !)
le 31 octobre, le Réseau "Sortir du nucléaire" a rendu public un document qui montre qu’EDF avait déjà lancé des appels d’offre pour la construction de l’EPR.
... le 3 novembre, le débat public sur l’EPR débutait à Lyon !
Inutile d’en rajouter : le "débat public" est une véritable parodie de démocratie. Mais la faute en revient aux parlementaires, qui ont "torpillé" le Débat public dont les dates étaient connues et publiées.
Boycott...
Au départ, le Réseau "Sortir du nucléaire" comptait participer au Débat : il a même rédigé à cet effet une contribution écrite. Mais celle-ci a été censurée (voir ci-dessous) ce qui, en sus du vote de l’EPR avant le débat, a contraint le Réseau "Sortir du nucléaire" au boycott.
...actif !
Le Réseau "Sortir du nucléaire" a mis en œuvre un "boycott actif" en étant présent devant toutes les étapes du Débat public afin de diffuser des documents aux (rares) citoyens qui sont venus, croyant participer à une initiative démocratique.
Le Réseau "Sortir du nucléaire" et la Commission nationale du débat public
Le Réseau "Sortir du nucléaire" précise qu’il ne critiquait pas la Commission nationale du débat public (CNDP), elle-même victime du passage en force des parlementaires qui ont voté la construction de l’EPR alors que le Débat public était en préparation.
De même, la censure de la contribution du Réseau "Sortir du nucléaire" a été faite par la CNDP mais à la demande du Haut Commissaire à la Défense...
B) Censure de la contribution du Réseau "Sortir du nucléaire"
et Document "confidentiel défense "
La Commission nationale du débat public (CNDP), en charge d’organiser un débat sur le réacteur EPR, à informé en septembre 2005 le Réseau "Sortir du nucléaire" que sa contribution écrite serait censurée : six lignes, faisant référence à un document Confidentiel défense sur le réacteur EPR, ont été censurées
Pour le Réseau "Sortir du nucléaire", ce n’est pas la CNDP qui est en cause mais l’industrie nucléaire et le pouvoir français qui sont responsables de l’opacité et du mensonge qui entourent le nucléaire.
Considérant que Mme Lauvergeon prétend[1] systématiquement que l’EPR est "prévu pour résister à un crash suicide avec un avion de ligne", il est fondamental pour le Réseau "Sortir du nucléaire" de faire connaître le document "Confidentiel défense" qu’il s’est procuré.
Ce document, daté du 22 février 2003, est accompagné d’une lettre de Bruno Lescoeur, alors directeur de la branche énergie d’EDF, qui écrit en particulier :
"Les hypothèses relatives à l’impact doivent assurer une couverture « raisonnable » du risque et ne peuvent prétendre envelopper toutes les éventualités"
Il s’agit là d’un véritable aveu : une couverture "raisonnable" signifie qu’elle ne garantit pas contre une catastrophe créée par un crash
D’ailleurs, M. Lescoeur ajoute :
"les hypothèses, règles utilisées, et analyses associées ne devraient pas figurer dans les rapports de sûreté accessibles ou susceptibles d’être accessibles publiquement"
Il s’agit clairement de cacher la vérité à la population.
NB : voir deux extraits du document "Confidentiel défense" en partie 3)
2) L’EPR et la politique énergétique française
A) Surproduction, exportation d’électricité
Même les gens favorables au nucléaire reconnaissent que la France n’a pas besoin de construire de nouvelles centrales nucléaires avant 20 à 30 ans. Dotée d’un parc électronucléaire totalement surdimensionné, la France exporte massivement son électricité, à perte.
En construisant un réacteur nucléaire EPR, notre pays ajouterait de la surproduction à la surproduction actuelle et ne ferait qu’accroître le gaspillage énergétique en poussant à toujours plus de consommation, notamment avec la climatisation ou le chauffage électrique.
Alors qu’il est présenté comme un atout pour l’avenir, l’EPR représente en réalité un lourd handicap en hypothéquant gravement notre avenir énergétique. En fait, la vraie raison de construire l’EPR est de permettre à l’industrie nucléaire de survivre. Il s’agit de sauvegarder un outil industriel menacé par l’absence de commande de centrales.
B) Inutile vitrine à l’exportation
Après de multiples effets d’annonce laissant entendre que l’EPR allait être construit en série en Chine et aux USA, il apparaît clairement que la bérézina de l’EPR est annoncée. La "vitrine à l’exportation que devait être l’EPR de Flamanville est donc totalement inutile.
USA : Nouveau pas vers un réacteur nucléaire avancé américain
On notera la présence... d’EDF dans les concurrents de l’EPR !
NuStart Energy Development LLC, un consortium regroupant neuf opérateurs nucléaires américains, a signé un accord de coopération avec le département US de l’Énergie (DOE) en faveur du processus de licence et de la conception détaillée du premier réacteur avancé américain. Cet accord, qui implique les exploitants de 58% du parc actuel outre-Atlantique ainsi qu’EDF International North America, permettrait de construire une tranche nucléaire, la première depuis 30 ans. (En lice : l’AP 1000 de Westinghouse et un BWR General Electric).
Chine : Pékin reporte sien die un appel d’offres sur des réacteurs nucléaires
La Chine a annulé en décembre 2005 tout résultat pour un appel d’offre pour la construction de quatre réacteurs nucléaires de nouvelle génération et prévoit même de reporter sa décision sine die en raison d’un prix à payer jugé trop élevé. "Il n’y aura pas de nouvelle date limite pour la décision. L’annonce du résultat par le gouvernement dépendra du déroulement des négociations"
8% seulement des français demandent l’EPR
Les citoyens européens ne sont pas favorables au développement du nucléaire pour réduire la dépendance énergétique. A peine 12% d’entre eux soutiennent l’option nucléaire, selon un sondage Eurobaromètre (Sondage de la Commission européenne) présenté le 25 janvier 2006.
Pour la France, le chiffre tombe même à 8% : une véritable claque pour le nucléaire hexagonal.
3) Les failles du réacteur nucléaire EPR
A) Vulnérabilité face à un crash suicide
Le Réseau « Sortir du nucléaire » détient un document CONFIDENTIEL DEFENSE qui démontre que le réacteur nucléaire EPR est aussi vulnérable que les réacteurs nucléaires actuels face à un crash suicide style « 11 septembre 2001 ». Il est absolument inacceptable qu’un réacteur nucléaire qui doit être construit APRES LE 11 SEPTEMBRE 2001 soit vulnérable face à un crash suicide. Rappel :
Nucléaire : un document "confidentiel défense" montre les faiblesses de l’EPR
AFP - 24/11/2003 - 16:49 Un document classé "confidentiel défense" et émanant d’EDF "démontre les faiblesses du réacteur nucléaire EPR face au risque de chutes d’avions de ligne", affirme le réseau Sortir du nucléaire lundi dans un communiqué. Selon le réseau, "le gouvernement et EDF, pour imposer la construction du réacteur nucléaire EPR, veulent cacher aux citoyens les informations qui leur permettraient de se faire un avis sur ce réacteur".
Présent à chaque étape du débat public, à l’extérieur de la salle, le Réseau "Sortir du nucléaire" a diffusé un dossier comprenant deux extraits édifiants du document Confidentiel défense :
Extrait 1 : "Compte tenu qu’une centrale nucléaire (en fait les bâtiments du bloc usine) ne forme pas une très grosse cible et qu’elle est nettement moins haute qu’un immeuble de grande hauteur, il est sans doute assez difficile pour un pilote non chevronné de viser très précisément une zone sensible."
Commentaire du Réseau "Sortir du nucléaire" : on ne peut qu’être étonné de la faiblesse de ce "raisonnement", bien subjectif. On a malheureusement vu le 11 septembre 2001 que les pilotes "non chevronnés" sont hélas capables de véritables prouesses.
Extrait 2 : "Il sera difficile d’atteindre une cible précise, en manoeuvrant éventuellement, compte tenu de l’existence la plupart du temps d’un relief ou de divers obstacles plus ou moins proches de la centrale (...) Un impact en vol horizontal stabilisé supposerait un vol à très basse altitude (moins de 50 m) à peu près impossible à envisager sauf peut-être pour certains sites en bord de mer."
Commentaire du Réseau "Sortir du nucléaire" : le réacteur EPR est justement prévu pour être construit en bord de mer (*), à Flamanville (Manche) ! Un commando ayant détourné un avion de ligne s’écarterait au large avant de revenir vers la cote et se jeter sur l’EPR, sans être gêné par le moindre obstacle ou relief.
(*) En effet, avec le réchauffement climatique, les réacteurs situés en bord de rivière manquent de plus en plus souvent d’eau.
3) Les failles du réacteur nucléaire EPR (suite)
B) Défaillance des circuits de recirculation
Le 7 janvier 2004, EDF reconnaissait l’existence d’un grave défaut générique affectant l’ensemble des réacteurs nucléaires français : une anomalie concernant le circuit de recirculation de l’eau de refroidissement des réacteurs nucléaires avec le risque, dans certaines situations accidentelles, d’un colmatage des filtres des puisards du circuit de recirculation. (cf : www.asn.gouv.fr/data/information/02_2004_colmat.asp ). En cas de colmatage, cette fonction serait indisponible et les conséquences pourraient être dramatiques (accident majeur).
Dans sa parution Nucleonics Week, du 11 mars 2004 l’agence Platts (première agence mondiale d’information sur l’énergie) rapporte que l’Autorité de sûreté finlandaise met sérieusement en cause la sûreté de l’EPR du fait du risque de colmatage des filtres des puisards du circuit de recirculation (« sump strainer clogging ») :
Avant même son éventuelle construction, l’EPR présente la même défaillance que tous les réacteurs nucléaires français !
c) Risques d’explosion dans le récupérateur de corium ("Core-catcher")
Le 9 décembre 2003, la section allemande des Médecins Internationaux pour la Prévention de la Guerre Nucléaire (IPPNW) a diffusé un document intitulé « Les défauts techniques sur la sûreté du réacteur européen à eau pressurisée (EPR) ». Ce document de référence montre en particulier que l’arrivée du cœur fondu dans le bassin de rétention ("core-catcher") peut conduire, avec une probabilité importante, à de violentes explosions de vapeur du fait de l’afflux d’eau de refroidissement.
Ulrich Fischer, manager de Siemens/Framatome, a lui-même reconnu lors de l’atelier sur l’EPR organisé en 1997 par le gouvernement du Land de Schleswig Holstein à Kiel que le bassin de rétention devait être absolument sec lors de l’arrivée du cœur fondu. Le professeur Michael Reimann de l’université de Sarrebruck a présenté les résultats de nombreuses expériences lors de cet atelier.
Les conclusions sont claires : que le corium fondu soit en contact avec beaucoup ou peu d’eau n’importe pas, cela peut conduire à une destruction de l’enceinte de confinement." En fin de compte, on peut estimer que, s’il est construit, l’EPR sera... encore plus dangereux avec l’innovation du « core catcher » que sans !
Document complet sur le web :
www.atomenergie-und-sicherheit.de/standard.php?i=Standard&TNr=152
3) Les failles du réacteur nucléaire EPR (suite)
S’il est construit, le réacteur nucléaire EPR présentera les mêmes tares que les réacteurs nucléaires actuels :
production de déchets nucléaires
Le discours officiel est que l’EPR produirait 15% de déchets nucléaire de moins qu’un réacteur actuel (à production comparable). Ceci ne peut être considéré comme un progrès : ces déchets dureront des milliers d’années, ils seront légués aux générations futures. Aller dans la mauvaise direction à 85 km/h au lieu de 100 km/h ne peut être considéré comme une façon d’aller dans la bonne direction. Qui plus est, aucune solution n’existe pour les déchets radioactifs...
rejets radioactifs dans l’air et dan l’eau
Comme les réacteurs actuels, l’EPR n’est pas un réacteur hermétique : s’il était construit, il occasionnerait en permanence d’importants rejets radioactifs et chimiques dans l’air et dans l’eau, mettant en danger les riverains, la faune, la flore.
risques d’accidents nucléaires
L’industrie nucléaire prétend qu’il mettra un jour au point des réacteurs nucléaires sans risques de catastrophes nucléaires. Même s’il ne s’agit que d’effets d’annonce, ces déclarations constituent bien l’aveu que le réacteur EPR, comme les réacteurs actuels, est susceptible de causer une catastrophe nucléaire.
NB : Des réacteurs 10 fois plus dangereux
L’industrie nucléaire prétend que l’EPR est "10 fois plus sûr" que les réacteurs actuels. Même s’il ne s’agit que d’effets d’annonce, ces déclarations constituent bien l’aveu que les réacteurs actuels sont... 10 fois plus dangereux ! Comment faire confiance à EDF dans ces conditions ?
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CONCLUSION : Pour un débat-bilan de 50 ans de nucléaire en France
Le débat public, bien que tronqué, marqué par la censure de la part des autorités et le mensonge de la part des industriels du nucléaire, n’a pas permis à ce derniers de cacher la vérité sur l’EPR : ce réacteur est inutile, dangereux, dépassé, vulnérable. La décision de construire l’EPR est illégitime et antidémocratique. Le Réseau "Sortir du nucléaire" réclame l’annulation des décisions prises ces derniers mois (construction des réacteurs EPR et ITER, de l’usine d’enrichissement Georges-Besse II) et l’organisation à l’échelle nationale d’un véritable débat-bilan de 50 ans de nucléaire en France.
[1] Dépêche AFP du 9 juillet 2005 : "Mme Lauvergeon (Areva) : "Problématique attentats" intégrée depuis le 11/09" (...) "Notre réacteur EPR a été conçu pour résister à tout, y compris les chutes d’avions"