Le Réseau "Sortir du nucléaire" publie ce jour son propre bilan du débat public - et du débat de société en général - sur la question des déchets radioactifs.
Sommaire :
1) Les décisions prises avant le débat public
2) Débat public / Débat de société
3) Actions du Réseau "Sortir du nucléaire" pendant le débat public
4) Une multitude de déchets
5) L’enfouissement des déchets les plus dangereux est un véritable crime
6) L’annonce d’une 4ème génération comme substitut à une solution
7) La "bombe à retardement" du démantèlement des installations nucléaires
Conclusion
Un débat sur le nucléaire "découpé en tranches" pour éluder la vraie question
1) Les décisions prises avant le débat public
Le Réseau "Sortir du nucléaire", favorable au principe du débat public, souhaitait participer à celui consacré aux déchets radioactifs, et a d’ailleurs produit un texte à cet effet
(www.debatpublic-dechets-radioactifs.org/docs/pdf/cahiers-d-acteurs/sdndefweb.pdf ).
Hélas, le Réseau "Sortir du nucléaire" a été contraint à boycotter ce débat. En effet :
A) La Loi sur les déchets était quasiment écrite... dès mars 2005
Le 16 mars 2005, soit avant le débat public, les députés Claude Birraux (Savoie, UMP) et Christian Bataille (Nord, PS) ont publié un rapport sous l’égide de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dont les propositions sont systématiquement suivies les yeux fermés par les groupes parlementaires UMP, PS, UDF, PCF. Leur verdict est clair :
« Les recherches sur les trois axes doivent être poursuivies. Il n’y a pas à choisir entre l’un des trois. » (Claude Birraux).
« Les trois axes sont apparus, au début, comme concurrents, presque rivaux. Or, les trois axes définissent des méthodes de gestion complémentaires. » (Christian Bataille).
Il est quasiment acquis que les parlementaires vont voter les yeux fermés cette fuite en avant, ruineuse et incohérente. Le débat public n’aura servi à rien.
Position du Réseau "Sortir du nucléaire" : toutes les "solutions" pour les déchets nucléaires sont mauvaises. Avant de, peut-être, essayer de trouver la "moins mauvaise", la première chose à faire est d’arrêter au plus vite la production de ces déchets (ie sortie du nucléaire)
B) La relance du nucléaire (et donc la continuation de la production de déchets) votée le 13 juillet 2005
Le 13 juillet 2005, soit avant le débat public, les parlementaires ont définitivement adopté la construction d’un nouveau réacteur nucléaire, l’EPR, qui produira lui-même de nouveaux déchets radioactifs. De fait, il devenait impossible pour le Réseau "Sortir du nucléaire" de défendre sa position première : "Il faut, avant tout, arrêter de produire des déchets radioactifs".
Position du Réseau "Sortir du nucléaire" : de même que pour la construction des réacteurs EPR et ITER, les décision sont prises avant l’organisation des débats publics. C’est bien évidemment injustifiable. La Commission nationale du débat public, les citoyens, les associations sont méprisés, la démocratie est bafouée.
2) Débat public / Débat de société
L’Etat pronucléaire a décidé que le débat sur les déchets radioactifs aurait lieu du 12 septembre 2005 au 13 janvier 2006, à ses conditions, et en fonction du calendrier des ses projets législatifs sur la question. Comme si le débat de société se réduisait au débat officiel.
Position du Réseau "Sortir du nucléaire" : les militants antinucléaires mènent le débat sur les déchets radioactifs depuis 50 ans (contrairement à l’industrie nucléaire qui a jusqu’à présent occulté ce "détail") et vont devoir le mener encore pendant... des centaines de milliers d’années (durée de vie de certains déchets !)
La prochaine Loi votée par les députés ne réglera en rien la question insoluble des déchets radioactifs.
3) Actions du Réseau "Sortir du nucléaire" pendant le débat public :
publication à 200 000 exemplaires d’un journal spécial 12 pages sur les déchets radioactifs :
www.sortirdunucleaire.org/sinformer/brochures/dechets/journal-dechets-HR.pdf
présence systématique devant les étapes du débat officiel, pour diffuser nos documents aux citoyens venus de bonne foi, croyant participer à une procédure réellement démocratique.
manifestation de 6000 personnes le 20/09/05 à Bar-le Duc (près du site de Bure pressenti pour l’enfouissement des déchets les plus dangereux) : http://burestop.free.fr/burestop6/manif-sept-2005.htm
4) Une multitude de déchets
Dans sa contribution destinée au débat public avant qu’il ne commence, le Réseau "Sortir du nucléaire" dénonçait "la tentative des pouvoirs publics de restreindre le débat aux déchets les plus dangereux. Or l’industrie nucléaire produit en permanence des quantités incroyables de déchets et autres résidus plus ou moins contaminés. Ces produits se retrouvent dans la vie courante et constituent un risque majeur pour la santé publique." Il semble que les participants au débat public en aient pris conscience... mais ils n’ont trouvé aucune solution.
Rappel du Réseau "Sortir du nucléaire" : début 2005, une forte mobilisation des riverains de la fonderie Feursmétal a empêché l’industrie nucléaire (Socatri-Areva) et les pouvoirs publics d’intégrer les ferrailles radioactives au circuit ordinaire. L’accumulation de quantités astronomiques de déchets faiblement radioactifs est tout aussi problématique que la question des déchets ultimes. La Loi sur les déchets nucléaires ne prévoit aucune solution (certainement parce qu’il n’en existe pas !) D’ailleurs, le projet de Feursmétal n’est que suspendu...
5) L’enfouissement des déchets les plus dangereux est un véritable crime
Toujours dans sa contribution, le Réseau "Sortir du nucléaire" écrivait : "Il n’existe au problème des déchets nucléaires que des mauvaises solutions, mais l’enfouissement est la pire de toute : il s’agit d’un véritable crime contre les générations futures." Il semble que les participants au débat public aient aussi "découvert" que les déchets pouvaient ne pas être enfouis. ("Le débat public a fait émerger une alternative au stockage géologique".) Encore faut-il qu’ils reconnaissent l’aspect immoral de l’enfouissement...
6) L’annonce d’une 4ème génération comme substitut à une solution
N’ayant évidemment aucune solution pour les déchets radioactifs, l’industrie nucléaire et le pouvoir français en sont réduits à faire des effets d’annonce. Ainsi, début 2006, le Président de la République a annoncé - sans l’ombre d’un "débat public !" - le lancement d’un réacteur nucléaire dit de "4ème génération", censé réaliser un miracle : faire disparaître les déchets radioactifs issus des réacteurs actuels.
La ficelle est très grosse : cela signifie "Dans 50 ans, il y aura une solution pour les déchets radioactifs, donc en attendant on peut continuer à en produire" !
Position du Réseau "Sortir du nucléaire" : les principes de fonctionnement des réacteurs dits de "4ème génération" (aussi estampillés "du futur" pour abuser l’opinion et les médias) ont été posés dès les années 50. Diverses tentatives ont déjà eu lieu aux USA, au Japon, en Russie. Ces réacteurs "miraculeux" n’ont jamais fonctionné. En France, l’aventure Superphénix a désintégré 10 milliards d’euros pour rien. Et, même si les réacteurs dits de "4ème génération" se mettaient enfin à fonctionner, cette filière demanderait une incroyable industrie du retraitement : a-t-on demandé aux citoyens s’ils voulaient un centre comme La Hague dans chaque région du pays ? A-t-on pensé au financement d’une telle filière ? A quels dépends ? A quel coût, surtout si on intègre le démantèlement ?
7) La "bombe à retardement" du démantèlement des installations nucléaires
Une installation nucléaire démantelée devient... un gros tas de déchets nucléaires ! Le 26 janvier 2005, la Cour des comptes a rendu public sur le sujet un rapport explicite : l’argent nécessaire pour le démantèlement (et la gestion des déchets ainsi produits) n’existe pas ou alors en quantité notoirement insuffisante, pour des besoins, de toute façon, extrêmement difficile à évaluer.
Heureusement - façon de parler -, il y a aussi du nucléaire en Grande-Bretagne et c’est de là que viennent quelques vérités sur les chiffres : le jeudi 11 août 2005, la Nuclear Decommissioning Authority a estimé à 56 milliards de livres le coût du démantèlement des 20 réacteurs nucléaires britanniques, contre 48 milliards lors d’une précédente évaluation. En janvier 2006, ce chiffre a encore été réévalué, passant à 70 milliards de livres, soit 100 milliards d’euros.
Rapporté à l’industrie nucléaire française qui, outre ses 58 réacteurs, compte des dizaines de sites et installations, dont La Hague, Pierrelatte, Marcoule, Cadarache, on peut sans exagérer envisager un coût 5 fois supérieur. Soit la bagatelle de 500 milliards d’euros (3300 milliards de francs !). Le plus étonnant serait que la facture réelle ne soit pas encore plus lourde...
Conclusion
Un débat sur le nucléaire "découpé en
tranches" pour éluder la vraie question
Le débat public a été organisé pour débattre des déchets radioactifs et non de la légitimité de produire ces déchets dont certains vont rester dangereux des centaines de milliers d’années. C’est donc un débat tronqué, organisé pour les besoins du pouvoir.
Par ailleurs, sont organisés (après les décisions) un débat sur les déchets, des débats sur les réacteurs EPR et ITER, sur la future usine d’enrichissement de l’uranium, etc, mais jamais aucune évaluation globale de 50 ans de nucléaire en France ! N’est-ce pas là le but recherché ?
Il serait en particulier édifiant de mettre en lumière les sommes d’argent public déjà investies depuis 50 ans (environ 500 milliards d’euros selon certaines estimations) et celles qu’il reste à payer, en particulier concernant le démantèlement et les déchets.
Le Réseau "Sortir du nucléaire" demande donc l’annulation de toutes les décisions déjà prises et l’organisation d’un véritable débat national sur le nucléaire et ses projets, avec mise en concurrence des autres voies possibles (sortie du nucléaire + efficacité énergétique + économies d’énergie + énergies renouvelables, etc.)
Le "débat public" sur les déchets nucléaires n’a servi à rien. La future Loi sur les déchets nucléaires est illégitime, n’ayant pour seul but que de permettre la continuation coûte que coûte de l’industrie nucléaire.