« L’exubérance irrationnelle des marchés », pour reprendre le terme utilisé avec complaisance par
l’ancien président du Federal Reserve Board, Alan Greenspan, a pris désormais les proportions
d’un cataclysme qui ébranle les principales places financières de la planète avec des conséquences
économiques et sociales d’une très grande ampleur, dont on commence à percevoir les effets
dévastateurs.
Cette crise d’une exceptionnelle gravité apporte un démenti cinglant à ceux qui, invoquant les
mécanismes d’autorégulation du marché, s’étaient fait les avocats d’une dérégulation sans limite.
Le retour de l’intervention publique et de la régulation, certes indispensables, ne doivent cependant
pas faire illusion. Il ne suffit pas à purger le système de ses effets les plus nocifs, dans la mesure où
il ne s’attaque pas aux causes profondes du mal qui réside, pour l’essentiel, dans la primauté
accordée à la maximisation du profit sur toute autre considération.
Les dirigeants d’entreprises de l’économie sociale (coopératives, mutuelles, associations,
fondations), de tous les continents, réunis au sein de l’association des Rencontres du Mont-Blanc
tiennent à rappeler à cette occasion que :
la finance a d’abord pour objet d’être au service des entreprises, ce que la financiarisation
excessive de l’économie a fini par oblitérer,
il existe une façon d’entreprendre et de concevoir l’activité économique sur la base de
valeurs qui donnent la primauté à la satisfaction des besoins du plus grand nombre, à
l’utilité sociale, à l’intérêt général, à la juste répartition des gains de cette activité entre les
hommes et, au long terme, sur la maximisation du profit à court terme.
- C’est la voie suivie par les entreprises de l’économie sociale, depuis plus d’un siècle,
dans toutes les régions du monde, avec succès et pour le plus grand bénéfice des
populations concernées. - Une telle démarche, à condition d’être suivie avec rigueur, permet d’éviter les
errements dont l’économie capitaliste donne aujourd’hui le triste spectacle. - l’économie sociale offre donc une alternative tout à fait crédible avec laquelle il faut
compter et qui ouvre de réelles perspectives pour la construction d’un monde plus
humain et plus solidaire.
Les participants des Rencontres du Mont-Blanc soulignent que des solutions hâtives prises
comme envisagées par les autorités publiques, qui consisteraient à faire supporter les frais
exorbitants du sauvetage d’institutions financières victimes de leurs propres errements par
la masse des citoyens des pays concernés qui sont déjà les plus exposés aux conséquences
de la crise peuvent avoir des conséquences très injustes même si la crise nécessite des
mesures d’urgence pour éviter sa propagation.
Enfin, les participants des Rencontres du Mont-Blanc considèrent que les décisions des
institutions financières publiques et des gouvernements doivent être soumises à des
conditions de transparence qui permettent aux citoyens à travers leurs représentants
démocratiquement élus d’exercer un contrôle réel.
Cette exigence doit trouver une traduction beaucoup plus nette que ce n’est actuellement le
cas, dans le fonctionnement des organismes financiers et des entreprises en général. Ils
soulignent à cet égard l’intérêt des règles qui prévalent dans les coopératives et les
mutuelles du fait que les utilisateurs ou producteurs de leurs services en sont en même
temps les actionnaires/sociétaires et en ont, de ce fait, le contrôle.
Les décisions et les règles mises en place doivent faire prévaloir l’intérêt général, y
compris dans la sphère financière, sur les intérêts exclusifs des opérateurs de marché. A
cet égard, l’inévitable remodelage des institutions financières héritées de Bretton Woods
doit pouvoir trouver une source d’inspiration dans les valeurs portées par l’économie
sociale. Cette dernière doit se préparer à un nouvel essor pour contribuer, dans le cadre
d’une mondialisation plurielle, à une réorientation de celle-ci en faveur d’une croissance
plus durable, aux fruits mieux partagés.