La question du périmètre de l’économie sociale et solidaire est, depuis vingt ans, une tarte à la crème que l’on aime resservir. Le jeu du qui est in, qui est out, en même temps qu’il nourrit les quêtes identitaires, fournit nombre d’énigmes insolubles et amusantes : pourquoi les comités d’entreprise ne sont-ils jamais cités comme parties prenantes de l’ESS ? Pourquoi Henry Ford ou Édouard Leclerc ne sont-ils pas considérés comme des entrepreneurs sociaux ? Etc.
Si la « catégorie de pensée ESS » est difficile à appréhender, c’est qu’on prétend lui déterminer un contour objectif. C’est nier que toute taxinomie repose sur une approche et des choix arbitraires. Or, comme son nom l’indique, l’économie sociale ET solidaire a refusé de choisir et n’assume aucune des divergences idéologiques qui la traversent.
Faisons preuve de malice : si l’ESS existe, n’est-ce pas justement pour refouler la question de l’idéologie, du projet politique qui devrait normalement se loger au cœur de toute initiative associative, coopérative ou mutualiste ? Sous l’étiquette ESS, tout devient tellement plus humaniste, moins subversif, moins radical.