Addis-Abeba, le 16 juillet 2015 - Appelée à jouer un rôle fondamental, la 3e conférence sur le financement du développement d’Addis-Abeba, première des trois grandes séquences de l’agenda post-2015, vient de se clôturer par un accord décevant. La conférence devait instaurer un climat de confiance et permettre de jeter les bases d’une adoption des futurs objectifs du développement durable, en septembre, et lancer positivement les négociations climat de la COP21. Malheureusement, la déclaration d’Addis-Abeba acte un recul des ambitions et des engagements par rapport aux précédentes conférences de Monterrey et Doha.
Le mandat de la conférence était clair : financer les efforts pour promouvoir le développement durable et s’assurer de la cohérence des politiques financières, économiques, commerciales et fiscales en faveur du développement. Au final, aucun engagement financier nouveau et aucune réforme du système financier international n’ont été pris.
Pour Philippe Jahshan, président de Coordination SUD, « les débats ont manqué d’ambition politique et ont été bien trop dominés par des considérations technocratiques. Les jeux des négociations et les calculs des Etats ont pris le dessus sur les enjeux de fond et cela au péril des peuples et de leur avenir. Nos gouvernements n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités. Une occasion historique est passée. »
Après les scandales tels que Luxleaks et Swissleaks, il est devenu clair pour tous que le système fiscal et sa gouvernance, méritaient des améliorations pour répondre efficacement au fléau de l’évasion fiscale, frappant l’ensemble des pays de la planète. La mise en place d’un comité fiscal intergouvernemental sous les auspices des Nations unies, que nous demandions, s’est dès lors imposée comme le sujet central de cette semaine de négociation.
« Une des attentes importantes de la conférence d’Addis-Abeba était de progresser dans la lutte contre l’évasion fiscale. Nombre de pays développés, et notamment la France, en refusant la création d’un comité intergouvernemental au sein des Nations unies, ont ignoré les demandes de nombreux pays émergents et en développement et ont affiché leur volonté de maintenir ces questions au sein de clubs de pays riches, tels le G20 et l’OCDE » regrette Christian Reboul, administrateur de Coordination SUD et responsable du plaidoyer financement du développement à Oxfam France.
En matière d’aide publique au développement (APD), le contenu du texte n’a cessé de se dégrader. Si l’engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’APD a été mentionné, il n’est assorti d’aucun calendrier fixant les étapes de réalisation.
« La France et l’Union européenne sortent satisfaites de ces négociations. L’engagement initial de 2015 est finalement repoussé à 2030, ce qui permet aux autorités françaises et à l’UE une nouvelle fois de se dédouaner de leur responsabilité en matière d’APD. Par ailleurs, nulle mention n’est faite dans le texte du principe d’additionalité des fonds pour lutter contre le changement climatique », ajoute encore Christian Reboul.
Enfin, les pays en développement s’en remettent presque exclusivement au secteur privé.
« Si le secteur privé fait partie de la solution, seul l’établissement de régulations contraignantes en matière de responsabilité sociale, environnementale et fiscale pour les entreprises assurera une réelle contribution des entreprises aux objectifs de développement durable et aux droits humains. », rappelle Grégoire Niaudet, chef de file de la commission APD et financement du développement de Coordination SUD et chargé de plaidoyer au Secours catholique-Caritas France.
Pour Coordination SUD et ses membres, largement présents à Addis-Abeba, ce programme d’action est une vraie déception et augure mal des séquences suivantes sur les objectifs du développement durable en septembre à New York, et la COP21 pour le climat à Paris en décembre.