Le mannequin indigène Amirla Oliveira, de la tribu Kulina, pose lors d'un événement de mode à Manaus, en Amazonie, le 9 avril 2022 ©AFP - Michael Dantas / AFP
Le mannequin indigène Amirla Oliveira, de la tribu Kulina, pose lors d'un événement de mode à Manaus, en Amazonie, le 9 avril 2022 ©AFP - Michael Dantas / AFP
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Pouvons-nous intégrer à nos démocraties la parole du tout vivant et du non-humain ? Les curateurs Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós se posent la question dans "Qui parle ? (pour les non-humains)".

Avec
  • Kantuta Quirós, cinéaste, curatrice, théoricienne de l'art, co-fondatrice de la plateforme curatoriale le peuple qui manque
  • Aliocha Imhoff, curateur, collectif Le Peuple Qui Manque

Se demander "qui parle dans nos sociétés ?", c’est aussi poser les questions "d'où est-ce que je parle ? À qui je m'adresse ? Où est-ce que je me situe dans le discours ?". Les curateurs et théoriciens de l’art, Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós reviennent sur cette racine de la parole dans leur ouvrage Qui parle ? (pour les non-humains), publié aux Presses Universitaires de France (PUF) le 20 avril 2022. Ils placent le début de ces questionnements en plein mai 68 "où les étudiants interpellaient les intervenants dans les assemblées, en disant 'd’où tu parles camarade ?' pour demander si la parole était légitime. Un moment toutefois ambivalent, nous explique Aliocha Imhoff, car Foucault lui-même considère que cette question était finalement presque policière."

Leur formation les amène à déplacer ce questionnement dans la sphère artistique : comment l’art se fait-il vecteur de la parole des vivants, mais aussi, plus récemment, des non-humains ? Si les années 60 amenèrent à une reconsidération de la parole de l’humain, en proposant une inclusion élargie des discours, nous assistons depuis quelques décennies à une intégration de la parole de l’organique, de l’animal ou du métaphysique. Pour Kantuta Quirós, dans ces formes artistiques, "on essaie de confronter les différentes stratégies du déplacement de la subjectivité (...) Il y a la difficulté de la tâche traductive qui n’est jamais effacée ; on se trouve dans la traduction d‘une corporéité animale, on assiste à cette impossible tâche de traduction de la voix animale qui est pourtant toujours centrale".

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Pourquoi élargir ce panel du parlant ? Pour les auteurs, cette dynamique serait un moyen de passer des démocraties restrictives à des biocraties, systèmes politiques plus inclusifs. Les évolutions juridiques des années 2000 en Amérique latine ont ainsi intégrer un Droit de la nature dans les constitutions de la Bolivie et de l’Equateur. "Ce qui émerge depuis plusieurs décennies, nous dit Kantuta Quirós, c’est l’entrée sur la scène juridique de sujets non humains. Cette idée a été théorisée par exemple par Christopher D. Stone qui s’est demandé si les arbres pouvaient plaider". À terme, les auteurs envisagent de considérer le silence lui-même : en effet, ne pas s’exprimer verbalement est aussi une forme de parole. Il faut désormais apprendre à l’entendre.

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Extraits sonores :

  • Extrait de Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgard Morin (1961)
  • Extrait d'une émission de La Grande Table avec Hélène Cixous, France culture, 11 novembre 2021
  • Extrait de Bruno Latour

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